vendredi 1 mai 2015

Un pas à la fois...


A Moon Gate in Bermuda
Il y a un an, après avoir réussi à pondre mon reportage sur les Bermudes, je savais que la douleur faciale quotidienne était en train de prendre le dessus. Qu'elle était en train de m'avaler toute crue. J'espérais me tromper. Mais on se trompe jamais sur ce qui se passe au fond de soi.

Je me sentais être emportée en cette spirale de dépression contextuelle qui fait la paire avec la douleur chronique. Je ne savais plus comment vivre avec cette douleur qui n'en finissait plus de me découper le visage en deux. S'en est suivi la réalisation du burn-out. La dépression qui accompagne la douleur chronique avait fini par avoir ma peau! Fuck...

S'en est suivi l'arrêt complet de mes activités professionnelles avec la fin de l'été. Pour sauver ma peau. Pour me consacrer aux bonheurs de l'enfance qui doit subir, le moins possible, cette horreur en ma face.

M'arrêter pour la première fois depuis que je me suis réveillée en pleine attaque de virus facial. Heureusement, à ce moment là, je ne savais pas combien serait long et ardu le temps à passer. Le temps d'essayer d'apprendre à vivre avec cette condition médicale si particulière... et invisible...

Un an à travailler sur moi-même, à entrer à la clinique de douleur, à courir kiné/osteo et physio, à collectionner les déceptions, à aller aux groupes d'entraide, aux conférences, à parcourir les hôpitaux, à apprendre à méditer, à apprivoiser le concept de "pacing"...

Un an à trimer, le portefeuille vide, la face déchiquetée, le sang bourré de medicaments. L'âme en miette. Un an à ramer à contre-courants, contre les marées, dans la tempête des jours toujours accompagnés de ces putains de douleurs neuropathiques. Un an à apprendre à vivre autrement. En cette autre dimension. En cet autre monde.

Un an passé à apprendre, à comprendre et à essayer d'accepter une condition invisiblement monstrueuse. Quatre ans à vivre avec une symphonie de douleurs faciales qui découpent le visage en deux, jour après jour. 28 jours pour pondre cet article qui la une du HuffPost Art de vivre pour quelques heures...

Avec en vedette cette photo prise durant ces dix minutes de vol entre Anguilla et St-Martin. Dix minutes à vivre un intense rêve en cette place de co-pilote. À vivre un bonheur si intense qu'il a réussi à surpasser mon visage coupé en deux. À envoyer paitre mon nerf facial si loin dans les pâquerettes qu'il ne pouvait plus entacher l'instant présent.

Dix minutes de répit en un an. Dix minutes à me sentir vivre intensément plutôt que périr à petit feu. Dix minutes en un an à me sentir normale et vivante. Dix minutes de pur bonheur qui remplissent mes batteries à sec après un rude hiver. Dix minutes qui me rappellent pourquoi je lutte, pourquoi j'avance, jour après jour.

Dix minutes qui me donne une force pour continuer de vivre. Pour avancer. Pour espérer.

Dix minutes pour me rappeler qu'accepter de vivre sous morphine et cortisone, le visage coupé en deux est possible. Même si l'esprit est agressé, seconde après seconde, par d'innombrables douleurs que la morphine ne sait qu'atténuer...

J'ai rédigé et composé ce reportage voyage selon les préceptes du "pacing". Des préceptes que je déteste pour leur éloge de la lenteur.

Je n'aime pas la philosophie du pacing en douleur chronique. Mais je m'y plie. Par instinct de survie. Et on dirait bien que ça marche. J'avance.

Je peux maintenant continuer d'appliquer ce principe sur mes sutres articles en attente sur ma planche de travail. J'en inspire l'espoir et une nouvelle perspective.

Un pas à la fois. Petit pas de l'avant ira loin, même si doucement, c'est en quelque sorte la philosophie de fond du pacing...

En cette guerre intérieure avec l'invisible douleur faciale, aujourd'hui, j'ai gagné une bataille. C'est une victoire dirait le psy. C'est une victoire me dit l'homme. Mais peut-il y avoir victoire en une guerre sans fin? chuchote cette petite voix sceptique en ma tête.

Comment savourer la victoire quand le brouhaha de cette guerre continue de me labourer le visage en temps réel? À moins que ce ne soit juste un début de reconstruction humaine en cet autre monde qui fait ma norme médicale. Un monde où sonne en continu un signal d'alarme pour me brouiller les méninges fatiguées.


Un autre monde qui n'est pas du tout celui que chantait Téléphone dans les années 80! On dirait bien que c'est le temps de méditer un coup la mère... 

Sandy's Island, Anguilla
Sandy's Island in Anguilla
Et pendant que je médite, irez-vous vous évader les idées grises sous le soleil d'Anguilla? N'hésitez pas à aimer mon article sur la page du Huffington Post (et à le partager) s'il vous fait voyager les idées...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire