mercredi 31 décembre 2014

Douleur et tristesse font bon ménage...


Depuis que je vis avec une douleur faciale quotidienne, mutante, constante, je découvre à quel point une forte douleur physique, à moyen terme, génère des torrents de tristesse.

C'est une drôle de tristesse que la tristesse de la douleur. C'est une tristesse qui pleure les heures que l'on a perdu à souffrir et qui se lamente des heures que l'on perdra à continuer de vivre ainsi. C'est une tristesse profonde qui jaillit des entrailles et teinte les jours. Elle s'ajoute aux tristesses que l'on ressent normalement pour embrumer la vie. Cette tristesse née de la trahison du corps est puissante. Elle efface les couleurs du bonheur, elle détruit les sources d’espoir, elle anéantit le futur...

En cette année passée à mieux comprendre les tenants et aboutissants de la douleur chronique, j'ai réalisé que la clé du succès résidait certainement dans l'attitude. Si l'on ne peut rien y changer physiquement, on peut y changer moralement. En se forçant. Énormément. En acceptant de se relever à chaque fois que l'on tombe. En prenant conscience de ses attitudes. En contrôlant ses humeurs. Tout le temps.

Il ne semble pas y avoir grand choix. À cohabiter avec une douleur constante, quelle qu'elle soit, il ne semble y avoir que deux voies: grandir ou aigrir. En cette dernière année, j'ai réalisé que je préférai mourir qu'aigrir. Mais grandir n'est jamais pas simple. Surtout lorsque l'on a atteint un certain stade adulte et que c'est la douleur physique qui pousse le processus!

Combien de sages clament que l'on grandit dans la douleur? Des centaines, des milliers, des tonnes? Trop pour ne pas y prêter attention. En ce courant de pensée, les plus adeptes voient la douleur comme une vertu. Comme un chemin à parcourir. Comme une force à maîtriser. Sauf qu'à chaque fois que j'explore ces courants de pensées, je finis par réaliser que le sage en question parle de la douleur commune. De celle qui finit par disparaître...

Mais qu'en est-il de la douleur chronique. De la douleur en continue? De celle qui refuse de céder, de celle qui ne lâche plus et agrippe la vie qu'elle aspire? Il y a peu à lire sur la douleur chronique. Peu de témoignages de gens qui s'en sont sortis, peu d'informations, peu de connaissances, peu de compréhensions. La douleur chronique, c'est souvent l'éléphant que personne ne regarde.

Je suis née un premier janvier. Et comme tout bon bébé de l'année, avec le nouvel an vient mon anniversaire. Difficile de ne pas s'y arrêter pour y penser. En février, cela fera quatre ans que je vis avec un visage coupé en deux, sensoriellement disjoncté. Pas de quoi faire la fête!

De ce que j'en comprends. Cette condition médicale ne disparaîtra pas comme par magie durant la prochaine année. Alors je dois me résoudre à affronter une autre année avec un visage coupé en deux. Avec d'un coté la normalité et de l'autre l'enfer de la douleur neuropathique. Comme un tsunami déferle cette tristesse particulière. Celle qui nourrit les dépressions. Celle qui obscurcit les jours.

Pour ne pas qu'elle m'emporte en ses flots rageurs, je dois monter au sommet. Au sommet de mes émotions intérieures. De ce point de vue, je dois voir plus loin que mon désastre physique. Je dois regarder l'horizon. À l'horizon se distinguent mes devoirs maternels et quelques ambitions personnelles. À l'horizon se dessine un couple qui tient la route périlleuse.

J'inspire cet horizon auquel j'accroche mes pensées pour essayer de les égayer. Pour essayer de trouver la force d'avancer. Pour ne pas flancher. Si j'arrête d'avancer, si je baisse les bras, la douleur chronique gagne la partie. Elle avale ma vie. Mais tant que j'avance, j'ai une chance...

samedi 27 décembre 2014

Prendre soin de soi...

Le 23 décembre au soir, l'homme me dit que j'ai un rendez-vous en matinée. Je soupçonne un massage ou facial sans pouvoir percer son mystère.

Le 24 au matin, il m'écrit l'itinéraire pour me rendre. Si mystérieux qu'en arrivant à là où je crois aller, j'espérais ne pas me tromper. Dieu sait que j'adore ce Spa en coin de lac!

Drôle de sensation d'arriver à l'accueil sans trop savoir ce qui m’attend. Même si rendue là n'importe quel soin me contentera. Ceci dit j'espérais un soin en particulier. Et bang! En plein dans le mille!

L'homme a entendu mon souhait. Tester le soin pour les yeux! En mes divers dysfonctionnements faciaux, le plus pénible de tous est l'œil. Une inflammation de fond qui dure depuis 4 ans et qui lui en fait voir de toutes les troubles couleurs. Diagnostic de l'ophtalmologiste expert: Névralgie oculaire et myopie contextuelle causées par richochet de nerf facial blessé.

En pratique, un oeil continuellement souffrant, à différents degrés, tous aussi douloureux que pénibles. Des verres fumés en tout temps. Même de nuit quand la douleur s'emballe. Un oeil constamment malmené qui boursoufle, crispe, tiraille, souffre. Je ne compte plus ces heures passées avec une poche de glace sur l'oeil...

Dire que j'étais partante pour un massage des yeux est peu dire! Et ce soin particulier, idéalement conçu pour désengorger les tissus autour de l'oeil et faire diminuer poches et rides me faisait très envie. Je n'ai pas été déçue!

Le massage (thérapeutique en mon cas) fait avec des cuillères ultra froides en céramique était aérien par rapport à mes heures de glace! Un délice pour mon oeil souffrant. Jamais je n'aurai cru tripper autant à me faire masser les yeux. Un soin parfait pour ma peau. Une atmosphère zen. Un condensé de relaxation. Et cette poche d'oeil, récalcitrante, qui s'atténue.

Même si la douleur ne disparaît jamais vraiment, ce massage facial aura été très relaxant. Le bon oeil est aussi très content même si sa sensibilité est moindre. J'y vois encore mieux l'effet déridage. Bref, un super cadeau de Noël sans emballage!

La douleur chronique c'est du stress en briques, c'est non seulement des douleurs mais c'est aussi des irritations, de la frustration, de la colère. Un cocktail d'émotions négatives qui font des cycles vicieux autour d'un problème physique.

Un soin qui fait du bien au physique et au moral, c'est du bonheur en boite. Sans compter l'attention qui me touche en plein coeur. Car Dieu sait que l'entourage joue un rôle important dans la gestion de la douleur chronique. Et il n'y a rien comme de la douceur et de la compréhension pour en alléger le poids quotidien...


dimanche 21 décembre 2014

Quelques grammes de force...



Pour m'aider à supporter la douleur neuropathique constante, trop souvent violente, je prends soin d'apprécier la nature qui m'entoure.

J'essaie d'y puiser ces quelques grammes de force à saupoudrer sur mon cocktail médicamenteux (et psychologique) qui fait ma gestion de douleur quotidienne. Chaque gramme de force mentale compte quand il est question de supporter la douleur chronique....

Et vous quels sont ces grammes de force que vous capturez au détour des jours?

Entre méditation et électro stimulation...

En cette fin d'année, j'ajoute un nouveau barbarisme à mon vocabulaire sauvage. Se tenser. "Heu, là, je suis pas dispo, je me tense..."

Faire d'une pierre deux coups, avaler la pilule d'opiacés et s'électrifier. Affronter. Ne pas chouiner. Essayer de dénicher un zeste de créativité dans l'obscurité.

Méditer sur son sort. Ne pas se laisser abattre. Relever la tête (et ses pensées). Ne pas lâcher.

Méditer avec la douleur est une discipline particulière. Supposément efficace. Si les moines adeptes de cette pratique savaient combien un nerf facial est puissant, m'envieraient-ils?

Peut-être pas, un moine bouddhiste n'envie pas, peut-être alors me trouverait-il chanceuse?

Extrait article méditation et douleur: "Il ne faut pas négocier avec la douleur, il faut la dépasser, entend-t-on souvent. Un discours récurrent veut en effet que la douleur ait une valeur positive. Elle serait même nécessaire : la douleur permettrait une meilleure concentration, voire de déjouer les pièges de l'"ego". Discours paradoxal, puisque le but du bouddhisme reste bien l'éradication de la souffrance : en souffrant vous ne souffrirez plus."

mercredi 17 décembre 2014

La méditation comme bouée de sauvetage...

Avec le changement de saison, j'ai perdu ma discipline de méditation. Comme me le fait remarquer le psy, la méditation permet à mon esprit de garder le contrôle de la douleur.

Il faut donc que j'accepte le fait que la méditation soit désormais une alliée au même titre que la morphine, la physiothérapie, l’ostéopathie, l'éléctrostimulation, blah, blah, blah...

Cela fait quand même beaucoup à accepter pour une seule cervelle. Et j'aime méditer en plein air d'abord!

Le mois dernier, j'ai trop peu médité et mon moral a pris une bonne débarque. Le psy n'a pas manqué de me le faire remarquer. Ouais, je sais...

C'est que c'est pas aussi simple qu'il n'y parait! Je dois méditer par raison de santé avant tout. Pour la personne normale méditer implique souvent une bataille mentale, c'est le fouillis des pensées qui rend le tout compliqué.

En ce qui me concerne, ce sont ces sensations douloureuses que je dois affronter sans broncher. En mode méditation, avant les pensées, il y a les sensations. C'est une panoplie de douleurs sourdes et aiguës qui se baladent tout le long des trajets nerveux du visage, c'est des séries des chocs électriques qui font tressaillir les tissus, c'est toutes sortes de sensations dégueulasses à affronter.

Il est dit que la méditation a pour bienfait de calmer le réseau nerveux. C'est vrai. Les spécialistes de mon cas ont déterminé que le coté gauche du réseau nerveux de mon visage était maintenant hyperactif. Sur-stimulé par des douleurs incessantes qui durent depuis 4 ans, il est rendu à bout de nerf. Tu m'étonnes Paul! La méditation lui calme le pompon. C'est vrai.

La méditation s'inscrit dans un processus d'acceptation. Elle n'enlève pas la douleur mais elle permet de mieux la supporter. Elle aide à contrer les effets destructifs de la douleur sur le mental. Elle peut même avoir autant d'action sur le cerveau que certains médicaments conçu pour calmer le réseau nerveux. Et les effets secondaires sont moindres!

Méditer en douleur c'est aussi affronter la douleur. 

Comment peux-t-on surmonter quelque chose si on ne l'affronte pas?

Généralement cela me prend un minimum de 30 minutes d'effort mental pour en percevoir l'action. En méditant, je force mon réseau nerveux à se mettre au neutre. Je force mon mental à reprendre le contrôle.

La méditation est réellement utile dans la gestion de la douleur. Cela ne l'efface pas mais cela aide le mental à la supporter, cela lui enlève de son pouvoir destructif. Cela permet de se retrouver et de se rappeler qui on est, sans la douleur, sous la douleur. Cela aide à revenir vers soi.

On médite avec notre tête, notre visage. Quand je médite, j'ai totalement conscience de tous les dysfonctionnements organiques qui se passent sous ma peau. C'est perturbant. C'est regarder le mal en pleine face. Plus je le fais plus c'est facile, moins je le fais, plus c'est dur.

Mais à chaque fois que je le fais sérieusement, je ne peux que constater combien cela me repose le réseau nerveux et combien cela m'aide à ne pas me transformer en furie...

Les méditations guidées et gratuites sur le site de Frederick Dionne sont excellentes pour débuter l'apprentissage de la méditation en douleur. Pour ceux qui aimeraient en tester les eaux, je conseille celle-ci.

Extrait d'un article de La presse publié cette semaine en un dossier sur la méditation: "Quand la médecine traditionnelle a échoué à apaiser des douleurs chroniques qui cantonnent les victimes à une vie recluse faite de souffrances, la thérapie de réduction du stress par la pleine conscience — mindfulness based stress reduction, ou MBSR, mise au point par Jon Kabat-Zinn — constitue une véritable bouée de sauvetage. Maintes études ont en effet souligné son efficacité dans le traitement de la douleur chronique. Plus récemment, de nouvelles thérapies basées sur l’acceptation, dont l’un des leviers d’intervention est la pleine conscience, connaissent aussi un franc succès, car elles contribuent à améliorer la qualité de vie des patients aux prises avec des douleurs chroniques."

mardi 16 décembre 2014

Méditer pour armer (ou désarmer) son cerveau. C'est selon...

Saviez-vous que le cerveau concocte entre 60,000 and 80,000 pensées par jour? Dans l’amalgame de ces pensées incessantes,  il faut en prendre et en laisser. Et ce n'est pas si simple qu'il n'y parait!

La douleur s'accompagne généralement de pensées destructrices. Toute douleur amène avec elle des pensées sombres. Elle fait rejaillir les tristesses, elle nourrit le désespoir. Elle a la capacité de prendre le contrôle de l'esprit.

Elle influence, négativement, ces dizaines de milliers de ces pensées qui occupent quotidiennement l'esprit.

Et c'est là où il faut se battre intérieurement. Prendre le contrôle de ses pensées est une étape importante dans cette gestion qui vise à contrôler une douleur persistante.

Pour se sortir des gouffres dans lequel la douleur peut emporter l'esprit, il faut réaliser qu'il est possible de contrôler ces pensées qui obnubilent.

Se rappeler que nous sommes plus que nos simples pensées. Nous sommes un esprit puissant. Prendre le contrôle de sa tête permet de trouver ces ressources intérieures qui aident à contrôler la douleur chronique. Maîtriser la douleur chronique pour qu'elle perde de son contrôle sur l'esprit. Car la douleur chronique est mortelle. Qu'on se le dise!

Lorsque l'on vit avec une problématique de douleur incessante, harcelante, il devient vital de garder le contrôle de son esprit. La méditation a pour objectif de faire un peu de ménage dans tout ce bordel mental.

La douleur chronique, celle qui refuse de disparaître, a le don de faire tourner les pensées autour de son existence. Elle est reconnue pour conduire ceux qui la côtoient à la dépression, plusieurs se tournent vers le suicide. Tous y pensent. Certains deviennent fous. D'autres s'aigrissent comme du vinaigre.

Et il y a sûrement ceux qui s'en sortent. Ceux qui trouvent les moyens de la contrôler, de la surmonter. Ceux-là ne font malheureusement pas légion. Pourquoi ne puis-je trouver des gens qui témoignent de leur cheminement positif? Des gens qui vivent en paix avec une douleur chronique? Serais-ce du domaine de l'impossible?

Je ne crois pas en l'impossible. Mais je crois de plus en plus en la méditation. La méditation est un outil perfectionné pour se distancer mentalement des effets mentaux pervers de la douleur physique. Scientifiquement recommandé.

Utiliser la méditation comme un outil en son atelier médical

Cet automne, au fil des semaines devenus mois, j'ai sérieusement pratiqué la méditation. J' ai opté pour la méditation pleine conscience. Celle qui est médicalement recommandée. Ça tombe bien, elle vogue dans l'air du temps!

J'en prends le chemin pour la première fois durant le printemps, en l'une de ses multiples heures où la douleur dépasse neuf sur dix. Ou elle est terrifiante. Après avoir lu sur le sujet, assisté à une conférence liée au sujet, et écouté des personnes en parler lors des groupes d'entraide, je décide d'essayer. Rendue là, je n'ai plus rien à perdre!

J'opte pour un cinq minutes ciblé. Assise en indienne, la tête vrillée par une multitudes de sensations cauchemardesques générées par un nerf facial déjanté, je teste une méditation ciblée via le site de Frederick Dionne. En cette première séance, une seule pensée se faufile dans la douleur: "Va chercher de la glace!"

Je réalise alors que l'intensité de la douleur qui me déchire la moitié de ma face et de mon cerveau, j'oublie de penser. La maudite douleur aspire toutes mes pensées.  Elle les absorbe pour en faire de la bouillie de vie. Lorsque je sais que la morphine ne peut plus rien pour moi et que je refuse d'augmenter mes doses, la glace est le seul moyen qui m'aide à survivre au moment présent. Comment ai-je pu l'oublier? À force de nager en une bouillie de cervelle?!?

S' en suit une session de glace. De ces heures avec une poche de glace sur la face, qui se déplace aux vingt minutes pour essayer de couvrir toutes les zones affectées. Je me dis cependant que si ces cinq premières minutes de méditation m'ont aidé à penser, il faut que je creuse le sujet.

Dans la semaine qui suit, je fais plusieurs méditations ciblées sur la douleur. Mais je m'ennuie vite à tourner autour de celle-ci. Arrive Deepak et Oprah dans mon paysage avec un défi gratuit de 21 jours de méditation pleine conscience. L'homme est même prêt à m'y accompagner. On s'y lance. Rapidement je réalise combien j'aime utiliser un mantra pour contrôler mes pensées. Je découvre le sanskrit et les idées Vedic.

Je réalise que je peux arriver à me déconnecter de certaines pensées liées à la douleur. Je peux ainsi me détacher de la réaction émotionnelle qu'apporte la douleur pour mieux la supporter. Je peux faire du ménage en mes pensées bordéliques en portant attention à un mantra.

De cette façon, j'ai un peu la sensation de prendre un balai et de me dépoussièrer la cervelle. Ainsi je prends le contrôle intime de ce nerf facial infernal qui veut ma peau. Je fais confiance en la science millénaire des mantras en sanskrit. Une culture qui a perfectionné l'art de la vibration mentale.


Je passe l'automne emportée en un tourbillon de physiothérapie intensive et je fais de la méditation guidée via mantra sanskrit pour ne pas y perdre la tête. J'ai commencé cinq minutes à la fois. Lorsque je me rapproche des deux heures par jour, je me demande si je ne vais pas me transformer en yogi!

-Tant que tu lévites pas, tout est beau, me dit sérieusement la grande chef à l'hôpital.

Ainsi j'évite qu'elle ne me fasse avaler ces médicaments que je refuse. Ceux qui sont supposés rétablir la bio-chimie du cerveau affectée par la douleur en continu. Ceux qui ont pour but de la cacher. Mais la cacher ne la fait pas disparaître.

En prenant le choix de méditer à grosses doses je fais l'effort de muscler ma cervelle. Mon équipe médicale semble apprécier assez mes efforts pour me foutre la paix avec ces cachets qui ne m'inspirent guère confiance.

Selon la science moderne, en méditant sagement, j'agis sur la bio-chimie de mon cerveau autant que peut le faire ce type de médicament que je refuse. C'est scientifiquememt prouvé.

En méditant sérieusement, toute personne peut agir sur son cerveau autant que ce médicament qui force le cerveau à s'adapter à sa molécule chimique en divers malaises humains (qui peuvent durer des semaines).

Mais il faut persévérer pareil qu'ils disent. Malgré les effets secondaires.  Ensuite la médecine ne s'attarde guère sur le fait que ce type de médicament est quasi insevrable. Qu'il faut traverser un autre enfer lorsqu'on désire l'arrêter. J'en parle avec une physio qui me dit: "C'est vrai, c'est très difficile à sevrer mais c'est possible, certains y arrivent!". Non merci, je préfère méditer!

Depuis que je médite sagement, je remarque un nouveau respect de la part des intervenants qui travaillent sur mon cas médical. J'en suis subtilement flabergastée. Tant que je poursuis la physiothérapie intensive et que je médite,  je suis sur la bonne voie me répètent - ils. Facile à dire!

Mais depuis quand la médecine moderne respecte autant les vertus de la méditation? Depuis qu'il est prouvé scientifiquement que la méditation a la capacité d'affecter les neurones dans le bon sens?

Méditer par toutes saisons...

J'avoue que ma cervelle apprécie cette étrange gymnastique mentale. Elle en redemande. Durant tout l'automne. Magnifique. J'adopte un quai méditatif pour m'aider à la tâche interne. Trois mois de physio intensive, trois mois de méditation intensive. Au bout de trois mois, j'arrive à méditer trois heures les doigts dans le nez. S'étonner soi-même. Apprendre plein de choses en chemin...

Mais avec l'hiver qui me vole mon quai de lac, je change de rythme de vie. Je trouve beaucoup plus difficile la discipline de méditation entre quatre murs. J'aime trop la méditation de plein air! Je rumine et bougonne.

Le bordel mental s’immisce dans les failles de mon esprit avec entrain. Je continue d'apprendre. Mon défi hivernal? Accepter de méditer à l’intérieur et retrouver une discipline de méditation digne de ce nom! Rien n'est jamais gagné ni acquis dans la vie...

Quai de méditation

À force d'avoir mal, craindre toute douleur...

La physiothérapie intensive génère toutes sortes de douleurs sur son sillon. Cela fait partie du processus de fond disent les spécialistes. À chaque fois, intérieurement, je freake un peu. À chaque fois, une petite voix chuchote:

- Et si elle ne partait plus celle là à droite? Comme les autres coté gauche?
- Ben là! Répond une grosse voix, ce serait le boute du boute!
- Oui mais tu sais maintenant que c'est possible...
- Ben là! Y'a des limites à en rajouter non?

S'enchaîne alors un houleux débat intérieur. Le lendemain matin quand finit par s'effacer la douleur éphémère, pour ne rester que celles que l'on connait, se fait la réalisation de combien ma perception de la douleur a muté durant ces dernières années.

Dans la nature des choses, une douleur, ça va et ça vient, ça passe. C'est comme une chanson populaire. Ce n'est pas fait pour s' incruster, jour après jour, durant des années. C'est contre nature. C'est peut-être pour cela que cela rend les gens si inconfortables mentalement...

Selon les experts, c'est là que la douleur physique devient une maladie. Et selon eux plus d'un million de québécois vivent, à différents degrés, avec une douleur physique incrustée en leur vie.

 En connaissez-vous?

lundi 15 décembre 2014

Suivre l'enfance comme un navire suit un phare dans la nuit noire...


Poussée par l'enfance qui voulait se dégourdir les jambes et la magie du temps des fêtes....

Après une douloureuse séance de physiothérapie suivie par 2 heures d'électrostimulation, après avoir récolté une prescription pour une résonance magnétique, se dire que cela ne fera pas de mal de se dégourdir les idées non plus!

Absorber cette invisible magie pour se donner du courage aux tripes. Parce-que quitte à avoir mal sans répit autant prendre l'air. Cultiver la sensation d'exister plutôt celle de se laisser couler...

Poussée par cette étrange vibration colorée d'airs de Noël, entre sapin décoré, guirlandes multicolores et chansons funky, se botter les fesses pour prendre une marche nocturne. Poussée par l'enfance...

 Atterrir en coin du lac. En inspirer la zénitude glacée. En tâtonner la surface congelée. La nuit est douce. Le silence enrobe l'air qui crispe la nature. Tout est calme, reposé, on entend presque les clochettes tintinnabuler...

Évidement ma puce ne résiste pas au bonheur d'y faire des roues en séries. Qu'il fait bon avoir neuf ans sous les étoiles givrées!


L'amour d'une mère...


Sur le sinueux chemin de la douleur chronique, je m'arrête aux rencontres du groupe d'entraide de l'hosto afin de mettre de l'essence en mon moteur. J'y rencontre une myriade d'humains. Et parfois une mère égarée...

Toutes me touchent la fibre maternelle. Ces femmes sont toujours seules. Je pense au courage que cela leur a demandé et au désespoir qu'elles doivent vivre pour arriver là. Toutes celles que j'y ai rencontrées venaient pour leur enfant, dans la vingtaine, prisonnier d'une douleur physique.

Toutes commencent par dire qu'elles viennent là pour essayer de mieux comprendre une personne de leur entourage. A la fin de la rencontre, toutes avouent que la personne en question est leur enfant. Toutes pleurent...

Dans la douleur chronique, l'affection d'un parent aimant est sûrement une force. Une émotion viscérale inaltérable. Tout comme je réalise que l'amour de nos enfants est souvent le plus fort. Lorsque je ne tiens plus qu'à un fil, l'amour de mon enfant est une force qui me tient en vie. L'amour qu'il me porte, l'amour que je lui porte.

Dans la douleur chronique, l'amour est une denrée précieuse...

samedi 13 décembre 2014

Grandir ou aigrir?


Dix huit mois après ma paralysie faciale, mon visage a repris forme mais pas sens. Le côté moteur remarche mais le côté sensoriel ne récupére pas du tout à la vitesse du moteur.

À noter que le nerf facial est l'un des rares nerfs en son genre puisqu'il est autant moteur que sensoriel. Après un quatrième électromyogramme facial (le seul instrument qui permet d'étudier un nerf facial et ses fonctionnements), le neurologue a conclu qu'il n'y aurait plus de progression et me l'a dit de but en blanc. Je suis tombée des nues. J'ai failli me prendre le chou avec lui. Pour conclure, il m'a dit:

- Je ne peux rien faire de plus, tu entres maintenant dans le domaine de la douleur chronique...
- Pardon?
- Il te faut maintenant entrer à la clinique de la douleur, ce sont les seuls à pouvoir faire un suivi, je ne peux plus rien faire pour toi!

Et de me fermer la porte au nez! Fuck! C'est quoi çâ la douleur chronique?!? De quoi il parle?!?

Sachant l'attente de rigueur pour entrer à une telle clinique, je me suis tournée vers les groupes d'entraide à l'hôpital afin de prendre mon mal en patience.

Lorsque j'ai commencé à assister aux groupes de l'association de la douleur chronique, j'ai fait la découverte d'un nouveau monde. Près de deux ans plus tard, je sais que c'est une société secrète...

La première année m'a permise de comprendre que je n'étais pas seule avec cet ennui de santé particulier. Une douleur continue qui s' installe. Les divers vécus partagés ont étendu mes perspectives et horizons. Les conférences offertes par l'association ont enrichi mes connaissances.

Le temps que la clinique m'ouvre sa porte j'avais déjà fait un bon bout de chemin "on my own". Si ce n'est des longues attentes du système de santé, je ne peux me plaindre de mon suivi médical humain, les multiples docteurs, spécialistes et experts m'ont tous aidés, à leur façon, à mieux comprendre ce qui arrivait à mon corps. J'ai découvert avec eux une compréhension qui a aidé à approfondir la mienne.

Maintenant je comprends. Je ne sais pas si j'accepte et j'accueille mais je sais que je comprends. Putain d'herpès, putain de nerf facial, putain de corps, putain de vie, il devient alors facile de tomber dans les putains à répétition. Mais cela ne mène nulle part ailleurs qu'à l'aigreur et l'amertume...

Maintenant je vais aux groupes et conférences avec une compréhension qui change mes perceptions. Y'a pas que le LSD pour ouvrir les portes des perceptions humaines, y'a aussi les problèmes de santé! Ceci n'est pas mon premier rodéo.

Mes perceptions ont été pour la première fois altérées l'année de mes douze ans avec un traumatisme crânien, un hématome au cerveau, des cervicales fêlées et une duremère blessée. Comprendre que les séquelles de cet accident d'antan se sont conjuguées avec l'attaque virale du nerf facial pour créer des complications hors normes me fait exploser quelques neurones.

Trouver des outils pour se reconstruire en une autre réalité

Je sais que je dois continuer d'aller aux conférences et groupes de discussion pour ne pas m'exploser la face en un accès de frustration. Cela ne me réjouit point. Cela me brusque le mental.

En cet effort vital à chercher le lotus dans un étang de marde, je me dis qu'au moins ce sont des moments où je peux m'y sentir jeune, sachant que la moyenne d'âge des participants y est relativement élevée. Dans la tempête, on se console avec les moyens du bord...

La douleur c'est comme un signal d'alarme pour le corps. Lorsque le signal d'alarme refuse d'arrêter de sonner, il se transforme en une tempête physique qui bouscule l'être de l'intérieur. En cette tempête, il faut alors trouver les meilleurs chemins sur lesquels avancer...

Par curiosité, j'ai calculé le nombre de jours et d'heures depuis que je vis avec une moitié de face déchiquetée. Depuis que ce signal d'alarme ci sonne en continu. Depuis plus de 1 400 jours et 18 000 heures éveillées, sans répit, mon nerf facial se manifeste en diverses sensations douloureuses. Sans autre pause que celle du sommeil. Et encore... parfois même quand je rêve je perçois l'inconfort de la douleur. De quoi en avoir plein son casque!

Malgré les pilules jamais magiques, malgré les manipulations crâniennes en tout genre, malgré les innombrables apprentissages et réflexions, ses lésions font la loi. De quoi se retourner les émotions. 18 000 heures pour renforcer le caractère, 1 400 jours à supporter une douleur inimaginable pour 98% des gens. Et ne pas savoir s' il y aura une fin, autre que la mort, à cette étrange condition. De quoi transformer le cours de sa cervelle...

Une condition que personne ne voit lorsque je sors publiquement. Cachée sous ma peau et mes efforts pour y survivre. Une condition qui dérange. Dont personne ne veut vraiment entendre parler. Trop compliquée à comprendre.

Alors, quand je croise les gens au réel, je souris et je ferme ma gueule. Je me force à me mettre au niveau de ceux qui ne connaissent que la douleur passagère. Celle qui s'efface. Je me tais. Sauf ici et là, où j'écris ces mots qui la dévoilent.

Apprendre à vivre avec l'inimaginable...

Le 6 février 2015, à moins d'un miracle de science fiction, cela fera 4 ans que la douleur faciale me réveille, indomptable, puissante, méchante. Plus de 1400 matins et des poussières. J'ai dépassé le millième matin il y a déjà un bout et à l'idée du 1500ième jour de suite, je manque de vouloir m'exploser la raison. Je n'ai pas de revolver. C'est pour le mieux.

 Mais je réalise que je suis à une croisée de chemins. Il n'y a pas mille voies à suivre, il y a grandir et il y a aigrir. Aigrir est plus facile sur le court terme mais pas cool à long terme. Grandir n'est pas facile sur le court terme mais pas mal plus cool sur le long terme.

The only way out says my heart taking the child to raise in this balance of life. The other way is death says my mind on the side. 

Grandir via la parentitude ne me pose aucun problème, aucun dilemme, j'aime le concept. Mais grandir, forcée par cette situation de merde me frustre profondément, j'en haïs le principe. Une frustration qui ne peut qu'accentuer ce problème de nerf facial disjoncté!

Mais plutôt me pendre que d'aigrir! Plutôt lâcher prise avec la vie que de baisser les bras au quotidien. Je refuse d'aigrir même s'il est bien rude de grandir. La douleur est un putain de professeur. On le déteste tous pour ses méthodes de torture mais parait que c'est efficace. J'ai l'impression d'être en une école militaire qui ressemble plus à une prison qu'autre chose.

Le psy me parle de ces principes confus que sont ceux d'accepter et d'accueillir une condition de douleur chronique. Malgré moi, mais à force de m'y pencher, je commence à en percevoir la raison. Terriblement dur de ne pas envier ceux dont le corps ne passe pas son temps à les trahir...

Grandir ou aigrir? Puisqu'il faut choisir, ma foi, je n'ai pas le choix. Grandir. Et si je n'y arrive pas alors autant mourir...


Tous dans la même galère...

Chaque matin, ou je me réveille avec la douleur faciale, ou elle me réveille. Selon l'heure de ma dernière prise d'opiacés. Inlassablement. Chaque $#&*$/% de matin je dois trouver un moyen de m'entendre avec elle pour trouver le courage d'avancer.  Pour trouver la volonté de vivre.

Depuis bientôt 4 ans, chaque matin est une torture silencieuse. Une épreuve plus douce depuis que l'homme accompagne mes aubes. Déjeuner ensemble. Prendre mes médocs. Méditer. Me sentir moins seule dans l'épreuve. Affronter. Puis l'enfant se lève et la routine du jour embarque...

Publiquement, si je n'en exprime pas la chose, c'est une épreuve inexistante. Invisible. C'est troublant. Troublant de savoir qu'il suffit que je souris, que je parle des choses que tout le monde comprend, que je surmonte l'enfer de mon visage coupé en deux pour que personne ne se rende compte de rien. En soi mieux vaut ça que d'être défigurée. Que d'avoir l'air d'un cauchemar ambulant.

Cela me permet de passer inaperçue. Malgré toutes ces sensations qui me cisaillent le visage. Cela me permet d'évoluer en société en toute impunité. Et en même temps cela m'éloigne des autres intérieurement. Car les autres préfèrent ne rien savoir. Majoritairement. Tant que je souris et que je gère. Tout va pour le mieux. Ainsi va la vie. Cela me trouble.

Je comprends que c'est une condition exceptionnelle. Que beaucoup ne savent quoi dire. Que cela se situe dans l'inimaginable collectif. Je comprends. Et cela m'attriste. Alors pour contrer la tristesse mentale, pour supporter cette douleur physique, et y survivre, je me console entre deux tournesols. En une bouffée de lac, en l'amour de l'homme et de l'enfant, en l'amitié qui réchauffe nos humanités.

J'attrape cet invisible filet à papillons qui me permet d'accrocher quelques inspirations. Et je sais que derrière la faiblesse physique réside une force intérieure. Une force que je perçois comme jamais auparavant. Je grimace, parfois je résiste, parfois je frustre, parfois je tombe.

Mais toujours je me relève. Et à chaque fois que je me relève, je comprends mieux ce fameux dicton qui affirme que tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort...

La solitude de la douleur, l'appel invisible...

Toutes les maladies de ce monde sont solitaires. Elles isolent tous à leur manière. En cette quête de santé et jeunesse perpétuelle qui mène notre société moderne, la maladie est une tare. Pourtant les sages disent que ce n'est pas le cas.

Les plus effrontés diront même que c'est une bonne façon de grandir. De mûrir. D'apprécier de nouvelles perspectives. Mais à quoi sert-il de grandir seul? répondront les plus sceptiques. Les autres rétorqueront que c'est en grandissant qu'on inspire le mouvement, en débroussaillant des chemins de compréhensions. En partageant les réflexions. Hummmm.

Toutes les maladies sont solitaires. Celles qui sont mortelles et les autres aussi. À la base, la vie est mortelle. Duh!

Même en se bourrant la face d'Omega 3, en évitant le gluten et en faisant du sport, on finit tous par y passer! D'une façon ou d'une autre. La mort fait si peur. On préfère l'oublier, la rejeter d'un revers de pensée, se faire croire qu'on ne dépérira jamais. Et c'est à chaque fois une surprise. Oh My God! La mort a frappé.

L'entourage se rappelle alors qu'un jour aussi son tour viendra. C'est le tremblement de terre existentiel. On nait. On vit. On souffre. On jouit. On fait de son mieux ou de son pire, c'est selon. Parfois un peu des deux, parfois pire, parfois mieux. Ça dépend des uns et des autres.

On vit. On rit. On apprend. On pleure. On s'éclate. On désespère. On vit ou on survit. Des fois l'un, des fois l'autre. Certains mieux lotis que d'autres. On se reproduit. Ou pas. On se jalouse. On s'entraide. On s'aime. On s'haït. On se détruit. On se construit. On se prend la tête.

On comprend tout ou on comprend rien ou juste un peu. On vit. On grandit. On vieillit. On meurt. Tous dans la même galère. Depuis la nuit des temps.

Pourquoi tant de déni et de terreur devant la maladie ou la mort? La maladie et la mort ne font-elles pas partie intégrante de la texture de nos humanités?

Est-ce que la majorité des gens sont en santé? Sans maladie aucune? Ou est-ce que la plupart mentent? Se cachent? Portent un masque? Mais je m'égare...

Je réalise aujourd'hui à quel point la maladie effraie. Combien elle peut rendre l'humain monstrueux. Les malades mais, aussi la société, l'entourage. Nous tous.

La journée de la gentillesse (13 novembre)

Sur la route, j'écoute Fehmiu à la radio, j'apprends que c'est la journée de la gentillesse. Me demande si je vais arriver à l'heure.

Arrive sur le parking de l'hosto. Trouve une place mais mal engagée, me voilà pognée!

Dire que j'étais si fière d'avoir réussi mon "parallel park" à Montréal l'autre jour!

Derrière mes verres fumés, mon œil me lance méchamment. Humide, il échappe des larmes au compte-goutte de sa névralgie du jour. Et c'est sans parler du reste du visage. Je soupire. Je vais être en retard...

Arrive un homme qui me demande avec un sourire s'il peut me garer. Avec grand plaisir, je lui réponds en sortant de l'auto. Soulagée. En deux temps trois mouvements, il gare ma voiture à reculons pour que j'en ressorte sans souci. Je le remercie en m'exclamant:

- J'aurais pas été capable de faire mieux! 
- Il ne faut jamais se dire qu'on est pas capable, l'impossible n'existe pas, me rétorque-t-il avec un autre sourire. 
- C'est vrai vous avez raison... 

Alors que l'on prend deux voies différentes, je repense à cette journée de la gentillesse. J'arrive au feu rouge. Le vent s'entremêle dans mes boucles, je lève la tête et un autre monsieur me dit en souriant

- Whoo, beaux cheveux! 

Je lui souris en retour alors que le feu devient vert et que je me dirige d'un pas rapide vers l'hosto. J'arrive avec cinq minutes de retard à la conférence intitulée "Voir la douleur autrement" Et c'est parti pour une séance de psycho-éducation.

J'en sors encore plus informée. Je commence à vraiment bien comprendre ces douleurs neuropathiques avec lesquelles je dois vivre au quotidien. En payant pour le parking, je fais la jasette avec deux autres hommes qui ont de la difficulté à payer avec la carte de crédit. Je trouve le truc, le partage. Ils me sourient.

Dans le trafic, au feu rouge, je lève la tête pour voir dans la ligne en face de moi un homme dans la cinquantaine qui me salue derrière son volant. Deux secondes à me demander si je le connais. Nope. Inconnu au bataillon. Perçoit-il mon questionnement derrière le sourire que je lui renvoie? Par signes de mains, je crois comprendre qu'il complimente mon sourire. Ben là, c'est quoi ce jour?!? Y'a définitivement de la gentillesse dans l'air! Le feu passe au vert, on se salue de la main.

J'arrive à l'heure au kiné. Et j'en profite pour mentionner la gentillesse de mon amie qui récupère ma puce à la sortie du bus pour que je puisse courir la ville.

Prochain stop, s'arrêter au Dollarama sur mon chemin de retour pour acheter ces derniers trucs et bidules qui me manquent pour la grande fête de Miss Soleil cette fin de semaine.

Et, en chemin, je continuerai de sourire aux inconnus même si ça fait mal à la face. Sans oublier de donner des bonbons à l'anis à la secrétaire de la clinique qui les adore!

Que la gentillesse soit avec nous chaque jour de l'année!

vendredi 12 décembre 2014

Discuter avec la grande faucheuse...

L'une des perceptions erronées que l'on a de la douleur chronique est qu'elle n'est pas mortelle.

C'est vrai et faux à la fois. La douleur en soi ne tue pas, c'est vrai. Mais je défie quiconque de vivre une douleur constante, prolongée sur des années, sans avoir de conversation avec la mort qui rôde.

Ai d'ailleurs eu une intéressante conversation avec une de mes physios. Un mini pétage de coche sympathique mais nécessaire. Non la douleur en soi ne tue pas mais elle est mortelle pareille...

Chacune de mes physios me dit à chaque fois:

- Tu me dis si cela fait trop mal et j'arrête... 

Et à chaque fois je lui réponds

- Il est impossible que tu me fasses plus mal que ce que j'ai pu vivre ces trois dernières années. Vas-y assez fort pour que cela ait une chance d'arrêter. Je sais pas combien d'années je peux tenir si cela ne change pas... 

Je sais maintenant que la douleur ne tue pas physiquement. Je sais maintenant qu'accoucher c'est du pipi de chat. La douleur physique ne tue pas le corps. Elle tue émotionnellement.

Assez pour que tu te transformes en zombie ou que tu entendes murmurer la mort qui tourne autour de la douleur intense comme un vautour tourne autour d'un animal mourant.

- Allez, suis-moi. Tu seras libérée. Je peux te sauver. 
- Quand même radical comme solution tu avoueras... 
- Je dirais plutôt efficace. N'as-tu pas mal à mourrir? 
- Si... 
- Alors suis-moi. J'effacerai la douleur, je te libérerai. Tu sais que ce n'est pas la fin, juste une évolution d'existence. Tu n'as pas à avoir peur.
 - J'ai pas peur. J'ai plus peur de la douleur que de toi. 
- Alors suis-moi, tu veux que je te donne des trucs faciles pour que cela ne soit pas trop compliqué? 
- Ben ça va. Je peux encore utiliser ma tête même si c'est un brasier de douleurs. En tout cas, encore pour savoir comment faire ça facilement, merci. 
- Alors suis-moi. Viens te rappeler ce que c'est que d'exister sans souffrir. 
- Non, je peux pas. C'est pas que je veux pas, c'est que je peux pas. 
- Si tu veux, tu peux... 
- Non, je peux pas. On en a déjà parlé quand tu es venue avec la septicémie. Je suis mère maintenant. Abandonner l'enfant que j'ai mis au monde n'est pas dans mes valeurs spirituelles. Tu le sais puisque tu me connais si bien. J'ai trop souffert et compris de choses sur l'abandon parental en cette vie. C'est un cycle que je ne peux pas reproduire. Trop mauvais move pour mon karma. Il faudra me tuer autrement que par mes mains. 
- Mais quelle mère es-tu à souffrir ainsi? Certainement pas la mère que tu veux être. 
- Non, c'est vrai, je suis une mère diminuée mais pas absente. Et même si diminuée, je suis pas mal plus présente que beaucoup tu sauras! Et là tu me fatigues! Lâche moi, je viendrais pas avec toi aujourd'hui aussi mal le nerf facial me fera... 

En vérité, j'ai commencé le processus d'aller aux groupes d'entraide de l'hôpital lorsque ce type de conversations silencieuses est devenu trop fréquent à mon goût. J'avais besoin d'aller en un endroit où le suicide n'est pas tabou. Et comme je m'y attendais, ce fut en effet un endroit où parler de la mort sans que personne ne s' en offusque.

Car toutes les personnes présentes ont elles aussi discuté avec la mort au cours de crises infernales de douleurs. J'y ai trouvé le soulagement et la compréhension que j'y recherchais. Et je suis rendue frustrée que l'on ose jamais parler du suicide comme une conséquence de la douleur chronique. C'est pourtant son côté mortel. Tabarnak! Elle tue en silence.

Tout comme elle sévit. Alors qu'on ne vienne plus jamais me dire que la douleur chronique n'est pas mortelle où je risque de péter une petite coche. Et rappelons que l'on ne laisse pas souffrir les animaux...

Montée de lait...

J'ai assisté à une autre de ces conférences pas le fun à l'hôpital. De ces conférences qui ne me font aucunement tripper mais qui ont le don de me rendre moins conne. Plus sage. C'est toujours ça de pris!

Une conférence informative tenue par le docteur Lamarche, spécialiste en douleur chronique, qui a participé à l'écriture d'un livre sur le sujet. Beaucoup de notions médicales que je m'étonne de si bien comprendre. L'occasion de les approfondir. Il me manque juste à trouver le courage d'une discipline de Yoga (ou Pilates). Et de trouver le pécule pour tester l'acupuncture et le TENS...

Dans la salle, du personnel hospitalier qui s'informe sur son heure de lunch et des gens qui vivent avec de la douleur chronique. Une majorité de têtes blanches. Une grande majorité de têtes blanches! Je pourrais presque m'imaginer sur la côte ouest de la Floride! En l'un de ces endroits où je peux encore me sentir bien jeune...

J'en reconnais quelques visages. Et je réalise que je peux désormais ajuster mon radar interne et percevoir tous ceux qui ne vivent pas avec la douleur chronique en cette salle. Juste une question de vibrations...

Un homme d'un certain âge, passé 65 ans certain, prend souvent la parole aux cours de l'exposé du docteur. Mais plus il parle et plus je le trouve bébé. Une sensation presque amusante si elle n'était pas si désespérante. Don't judge. Let it flow. Une bonne gymnastique mentale lorsque je réalise qu'en plus il ne vit pas de douleur en continu mais de douleurs intermittentes! $#%^&%#$

Alors que j'inspire et expire en silence intérieur je réalise que ce qui me choque le plus c'est de constater qu'on peut arriver à un âge si avancé avec si peu de sagesse intérieure. En cette étrange expérience à côtoyer une douleur incessante (qui résume en fait une collection de sensations douloureuses et désagréables), l'attitude semble faire toute la différence.

Non pas que la mienne soit parfaite. C'est un travail en construction. À chaque jour suffit ma peine. Mais mon attitude de fond vis à vis de ce problème se façonne sur le peu de sagesse que j'ai pu accumuler au fil des décennies...

Un peu qui me semble soudainement grand à écouter ce pépé qui ne me flabergaste pas pentoute les neurones! Peut-être qu'il a raison, mon psy au regard profond, qui m'explique combien je dois compter sur mes ressources intérieures pour m'en sortir. Qui m'explique combien elle sont grandes et riches.

Sauf que là, je me sens soudainement bien pauvre et faible. C'est plus fort que moi, en mes utopies, je m'attends à ce qu'un vieux monsieur exulte un minimum de sagesse. Qu'il puisse partager les fruits récoltés au cours de ces expériences accumulées. S'il a gardé toute sa tête, je m'attends à pouvoir apprendre des rides qui lui sillonnent le visage. Comme un road trip humain. Inutile de dire qu'il m'arrive souvent d'être déçue. Et je suis subtilement dépitée!

Dieu merci pour ce gentil inconnu rencontré sur le parking de l'hôpital qui, en plus de me dépanner l'instant avec gentillesse, a saupoudré le tout d'un zeste de sagesse! ‪#‎garderespoirenlhumanité‬

mardi 2 décembre 2014

Quand la vie ne tient plus qu'à un fil...

On dit souvent que la vie ne tient qu'à un fil. Mais c'est un peu simpliste à mon goût. La vie ne tient-elle pas plutôt à plusieurs fils qui tissent le tissu de nos existences?

Quand la vie ne tient plus qu'à un fil, elle ne tient plus à grand chose. Elle est en danger. Mais quand elle tient par une multitude de fils, elle est si bien attachée que rien ne peut l'arrêter.

Les fils de la vie varient en nombres et couleurs. Tout le monde n'est pas servi pareil. Mais tout le monde doit tisser sa vie avec. Jour après jour. Parfois, il y a tant de fils que c'est la fête. À ne plus savoir où donner de la tête! D'autres fois cela s’effiloche. Les épreuves de la vie pèsent sur les fils qui se défilent, qui se font plus rares. Il devient plus difficile de tisser et on s'y casse la tête!

On essaie alors de réparer les moins cassés, on part à la recherche de nouvelles pelotes. Décennie après décennie, des motifs et designs s'inscrivent en cette texture abstraite que tisse les fils de nos vies. Certains font d'incroyables tapis que l'inconscient admire. D'autres ont la vie musicale, en fait, il y a toutes sortes de façons d'utiliser ces fils de vie pour se définir l'existence. Tant qu'ils se tissent et qu'ils vibrent...

Car lorsqu'il arrive que la vie ne tienne plus qu'à un fil, garder ce fil tendu est vital, trouver rapidement d'autres fils aussi. Car la vie qui ne tient qu'à un fil est trop fragile pour survivre. Puisque lorsqu'il n'y a plus de fil, il n'y a plus de vie. Plus de musique. Plus de vibrations. Que le silence d'une vie disparue.

Piano strings
Crédit: Piano Strings via Kevin Dooley

Apprendre, comprendre, avancer?

"L'hyperalgésie périphérique et centrale induite par un stimulus douloureux est bien connue et implique des mécanismes neuronaux et biologiques (canaux ioniques, seconds messagers, expression génique) et se traduit par une augmentation de la réponse aux stimuli nociceptifs successifs et une transformation du système nerveux d'un état basal a un état sensibilisé [2]. (source)"

Le fait que je puisse aujourd'hui comprendre ce principe me fait réaliser combien mes connaissances médicales sur un sujet singulier sont rendues précises. Si je ne devais le vivre au quotidien, je serais fière de moi...

L'attaque virale initiale a provoqué, en mon nerf facial, une douleur aiguë sur plusieurs mois. De celle qui dépasse le 10 sur la fameuse échelle. Le nerf facial directement connecté au cerveau est reconnu pour la puissance de ses douleurs.

J'ai ainsi pu expérimenter les hallucinations de douleur avant que la morphine ne sauve ma cervelle. Certains prennent de la morphine pour halluciner, d'autres en prennent pour ne plus halluciner.

Durant cette période initiale où je faisais peur aux enfants tellement j'étais défigurée,  j'ai appris que la douleur physique ne tue pas. Elle tue tout sauf toi! La douleur physique est une alarme qui se transforme en torture. Et lorsqu'elle ne s'éteint plus, elle fait d'une vie un enfer. Un tel enfer qu'elle a su reléguer au deuxième plan l'expérience défigurée.

Les centaines de manipulations crâniennes que j'ai endurées depuis l'attaque initiale ont permis au côté moteur du nerf de s'en sortir. Le côté sensoriel sérieusement atteint n'en revient pas. Et comme les lésions et connections abhérantes présentes continuent de faire sonner le signal d'alarme. Celui-ci y ajouterait maintenant la trace mnésique de la douleur initiale.

Comme le visage possède le plus riche support sensoriel de tout le corps, l'expérience est en soi fascinante pour tout médecin intéressé par l'aspect médical du cas. Ce cas fascinant par sa complexité sensorielle est aussi dépitant puisque trop complexe pour les compétences de la médecine moderne actuelle...

Ceci dit, pour ajouter à l'exception du tout alors que je rencontre des dizaines de personnes en douleurs chroniques en mes pérégrinations médicales, je suis marginale à apprécier l'aide que m'apporte le corps médical en cette aventure. Tout le monde semble s'en plaindre. Sauf moi. Je n'ai pas vraiment de mauvaises expériences avec eux si ce n'est l'attente de services et le manque de ressources causées par des restrictions budgétaires.

Depuis le début,  chaque médecin,  chaque spécialiste, chaque expert apporte des briques à la fondation de ma compréhension générale vis à vis de la situation qui se déroule sous ma peau. Chaque médecin, rencontré sur ce chemin, a eu le don de me comprendre et de m'aider à mieux comprendre.

La pire expérience dont je peux témoigner est lorsque le neurologue après 3 electrogrames m'a sèchement dit que j'étais candidate pour la clinique de douleur et que je devais désormais apprendre à vivre avec. C'était il y a un an et demi.

Apprendre à vivre avec? What the fucking fuck! Passé le choc initial, j'ai pris le taureau par les cornes et j'ai commencé le processus d'apprentissage. À l'école militaire la mère. Gracieuseté d'un nerf facial déjanté. Un an et demi plus tard, je comprends bien le principe. Dire que je l'accepte est une autre histoire. Ce n'est plus une histoire médicale, c'est une histoire sentimentale...

Histoire de pousser encore un peu plus loin le bouchon, le psy m'explique que pour apprendre à vivre avec, non seulement il est important d'accepter la douleur mais qu'il faut aussi apprendre à l’accueillir. Sachant que c'est un procédé humain contre nature, rien de périlleux là dedans!

En cet apprentissage se profilent deux avenues à l'horizon. Celle qui cache et tait la situation. Celle qui parle et essaie d'expliquer celle-ci. N'ayant jamais vraiment su me taire, il est évident que je ne peux que prendre l'autre voie. Et en assumer le choix.

Ce faisant je réalise combien en parler indispose. C'est humain. Tout comme en parler est vulnérabilisant. Je n'ai jamais su faire semblant. Je peux faire avec. Mais je peux pas faire semblant. Alors je parle. Fuck it!

Car je réalise qu'importe le contexte de douleur physique, à court, moyen, long terme, cela finit toujours dans la même galère. Les impacts sociaux psychologiques de la douleur chronique sont les mêmes pour tous. Un autre aspect fascinant qui se précise à mes perceptions.

En même temps que j'apprends, à mesure que je mute et chemine, je retrouve cette voix que la douleur étouffe en ces différentes composantes. La compréhension aide au mouvement de fond. Ce faisant, je peux indisposer autant que je peux encourager. C'est paradoxal. D'un coté cela indispose ceux qui n'ont pas à le regarder et de l'autre cela encourage ceux qui ont le nez dedans!

Alors que je me retrouve le nez devant cette problématique ci:

"La sensibilisation centrale est initiée par des potentiels synaptiques « lents » au niveau de la CP par les fibres A delta et C qui vont s'additionner lors des stimulations répétitives nociceptives et générer une dépolarisation de plus en plus importante et longue au niveau des neurones de la CP. Cette dépolarisation cumulée résulte de l'activation des récepteurs de l'acide N-méthyl-D-aspartate (NMDA) par le glutamate et du récepteur NK-1 par la substance P et la neurokinine A. L'activation de ces récepteurs permet une entrée massive de calcium intracellulaire et stimulent une cascade chimique impliquant notamment la protéine kinase C, et la NO-synthétase avec production d'oxyde nitrique intracellulaire.

La sensibilisation périphérique induite par la libération au niveau du site lésionnel de substances biochimiques (K+, H+, prostaglandines, bradykinine) stimulent les nocicepteurs et les sensibilisent. Le réflexe d'axone libère la substance P et favorise une vasodilatation et une dégranulation mastocytaire avec libération de sérotonine et d'histamine. (source)"

Rendue là, si je m'étonne de ma propre compréhension, je ne m'étonne plus de ne trouver compréhension et réconfort qu'entre les mains du corps médical! Tout comme je comprends qu'il est bien difficile de comprendre pour autrui.

Mais je poursuis l'apprentissage en cette école militaire qui me prépare à je ne sais quoi. Parait que je le saurais juste lorsque j'en aurai terminé le programme. Si j'y arrive...

mardi 25 novembre 2014

Apprendre à vivre avec = apprendre à fonctionner autrement...


Depuis ma paralysie faciale, j'ai rencontré une trollée de médecins. Chacun m'a dit:

- Bon je vais te faire un arrêt de travail pour... 
- Je suis pigiste. Ai répondu à chaque fois. 
- Ah! 
- Ah! 

Ainsi s'arrête cette conversation. Au final cela m'aura pris plus trois ans pour trouver le courage de m'arrêter. Un burn out et une dépression contextuelle comme disent les spécialistes n'auront pas suffit. J'ai ralenti certes. Ralentie mais pas arrêtée. Arrêter ne veut-il pas dire mourir en langage de pige? Quand t'es pigiste t'arrêtes pas, tu marches ou tu crèves! S'arrêter c'est plonger dans le vide. Sans filet.

Cela aura pris une ronde de physiothérapie intensive pour m'arrêter. Usée. Vidée. Morte? Impossible de travailler en se faisant triturer le mal un jour sur deux. Depuis un petit mois j'ai repris un rythme d'une à deux fois semaine de physio/kiné. Arrêtée, j'ai réalisé combien j'étais vidée. Arrêtée, j'ai pu faire face à cet invisible mal qui se fout de ma gueule.

En l'affrontant j'ai compris que pour continuer à piger il faudrait que je réapprenne à fonctionner. Autrement. Que cela faisait partie de cette réalité d'apprendre à vivre avec cette douleur faciale. Le "pacing" est la clé parait-il. La gestion des activités. Apprendre à travailler fragmentée. Afin d'éviter l'accentuation de la douleur de fond. Afin d'en contrer la peur qui se développe à la vivre. Afin de diminuer les complications diverses comme celle de la névralgie oculaire.

Ces ricochets douloureux de nerf facial blessé qui ont le pouvoir de se répercuter tout le long de son trajet. Le "pacing" signifie que l'on doit apprendre à fonctionner différemment. Histoire de tenir le coup de l'épreuve sur une durée indéterminée.

Lorsque l'on est habitué à travailler par jets par exemple, c'est un principe extrêmement frustrant. Le psy me dit

- Tu as plein de façons de remplir un bain. Tu peux le remplir d'un coup en laissant ouvert le robinet. Mais tu peux aussi le remplir en ouvrant et en fermant le robinet. Même goutte à goutte, il se remplit...
- Ouais...

Arrêtée pour la première fois, je perçois ce repos de fond prescrit par les médecins. Celui là aide sûrement à une régénération de fond. Physiquement. Mentalement c'est une autre paire de manches. Ma kiné, qui me triture la face depuis la première semaine de l'aventure, croit que mon nerf finira par guérir. Un jour. Elle m'explique qu'elle peut en percevoir la progression. Une lente progression qui progresse lentement. Au compte goutte?

Je ne compte plus le nombre de professionnels qui ont voulu m'expliquer ce principe confus que le nerf peut se régénérer mais que c'est très long. Très très très long. Le virus a causé bien des dommages sur son passage. Ouais. Je commence à bien comprendre merci. Dans la foulée on m'explique que c'est pour cela qu'il faut continuer les traitements de physiothérapie et autres soins complémentaires. Ne pas lâcher.

Les traitements entretiennent la mécanique du nerf. Et mieux la mécanique est entretenue, plus de chance le nerf a de récupérer, de se réparer. Encore faut-il qu'il ne se répare pas trop croche. Autre obstacle sur le chemin de la récupération. Parfois le nerf se répare mais forme des connections aberrantes De celles qui font se relever un coin de lèvre en fronçant un sourcil. Ces connections interfèrent ensuite dans le bon fonctionnement du nerf. Elles peuvent aussi créer de douloureux dysfonctionnements mécaniques qu'il faut continuellement réajuster.

J'en parle aux spécialistes qui me disent que tant que l'entretien de fond est maintenu, toutes les chances d'améliorations persistent. Au fil du temps, le cerveau peut aussi s'ajuster à ces nouvelles connections. Fun! Mutations de cervelle en cours.

Mais au final, l'ironie de la chose, c'est qu'après avoir bien expliqué et compris tout cela, la doc en chef me dit:

- Malheureusement nous n'avons pas les ressources pour traiter la source. Juste des médicaments pour essayer de cacher les symptômes... 
- Mais n'est-ce pas ridicule de vouloir cacher les symptômes d'un mal qui obligatoirement empirera si non traité au niveau mécanique? 
- Si. Et c'est pour cela qu'on ne peut t'obliger à prendre ces médicaments mais malheureusement nous n'avons pas les ressources pour te donner les soins qui traiteront la mécanique de ton cas. Nous pouvons juste en soulager les symptômes. Mais évidement je t'encourage à continuer tes traitements de kiné et physio car on voit bien que cela fonctionne. Les résultats des trois derniers mois prouvent même que le nerf réagit bien aux traitements et c'est vraiment bon signe. 
- Mais les traitements sont à mes frais...
 - Je suis désolée. Je peux rien faire de plus. On a tellement de coupures à l'hôpital qu'on ne sait même pas combien de temps tiendra la clinique. 
- Je comprends. 
- Mais on est toujours là pour faire le suivi de tes traitements et pour réévaluer ta médication. 

Plus de deux ans d'attente pour entrer à cette clinique. Trois mois de traitements alloués. Et des pilules à volonté. Bienvenue en Amérique du Nord! Ajoute pigiste à l'équation et c'est la cerise sur le gâteau.

Mais le pire, c'est que c'est tellement mieux qu'ailleurs. Mieux que dans bien des pays sur Terre. Assez mieux pour en accepter la réalité? Pour ne pas trop s' en plaindre. C'est tellement pire ailleurs...

En cette nouvelle réalité, alors que j'apprivoise ce putain de "pacing". Je m'apprête à reprendre le turbin, mon ordi décide de faire grève. Il plante, fait des écrans bleus à répétition, assassine mes patiences.

Après auscultation voilà que son mal est logiciel non matériel. Réaliser qu'en fait, il peut y avoir plein de cerises sur un seul gâteau! Première étape, réparer l'ordi...

jeudi 13 novembre 2014

Matin après matin...

Chaque matin, je me réveille avec la douleur faciale ou elle me réveille. Selon l'heure de ma dernière prise d'opiacés. Inlassablement. Chaque $#&*$/% de matin, je dois trouver un moyen de m'entendre avec elle pour trouver le courage d'avancer. Et surtout pour ne pas penser que cela pourrait être ainsi pour le reste de ma vie!

 Depuis bientôt 4 ans, chaque matin est une épreuve silencieuse. Une épreuve plus douce depuis que l'homme accompagne mes aubes. Déjeuner ensemble. Prendre mes medocs. Méditer. Me sentir moins seule dans l'épreuve. Affronter. Puis l'enfant se lève et la routine du jour embarque...

Chaque matin le même défi. Celui de surmonter les innombrables sensations douloureuses que générera mon nerf facial. De la subtile rage de dents à la névralgie occulaire. En passant par les multiples tiraillements, crispations, pulsions et engourdissements de cette moitié de visage endommagée.

Ce nerf blessé, aussi moteur que sensoriel, possède une incroyable variété de manifestations douloureuses. Si ce n'était pas une torture qu'il en découle, je pourrais en écrire un véritable roman d'horreur. En une dimension parallèle...

Avec ces sensations douloureuses viennent aussi les émotions qu'il faut contrôler. Chaque matin le même défi. Celui de contrôler les pensées générées par la douleur physique. Nul doute que la méditation aide à gérer ce côté du mal.

Publiquement, si je n'en exprime pas la chose, c'est une épreuve inexistante. Invisible. C'est troublant. Troublant de savoir qu'il suffit que je souris, que je parle de ces choses que tout le monde comprend, que je surmonte la douleur pour que personne ne se rende compte de rien.

En soi mieux vaut ça que d'être défigurée. Que d'avoir l'air d'un cauchemar ambulant. Cela me permet de passer inaperçue. Malgré toutes ces sensations qui me cisaillent le visage. Cela me permet d'évoluer en société en toute impunité. Et en même temps cela m'éloigne des autres intérieurement. Car les autres préfèrent ne rien savoir. Majoritairement. Tant que je souris et que je gère. Tout va pour le mieux. Ainsi va la vie.

Cela me trouble. Je comprends que c'est une condition exceptionnelle. Que beaucoup ne savent quoi dire. Que cela se situe dans l'inimaginable collectif. Je comprends. Et cela m'attriste.

Alors pour contrer la tristesse mentale, pour supporter cette douleur physique, et y survivre, je me console entre deux tournesols. En une bouffée de lac, en l'amour de l'homme et de l'enfant, en l'amitié qui réchauffe nos humanités. J'attrape cet invisible filet à papillons qui me permet d'accrocher quelques inspirations. Et je sais que derrière la faiblesse physique réside une force intérieure. Une force que je perçois comme jamais auparavant.

Je grimace, parfois je résiste, parfois je frustre, parfois je tombe. Mais toujours je me relève. Et à chaque fois que je me relève, je comprends mieux ce fameux dicton qui affirme que tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort...

jeudi 30 octobre 2014

Femme en colère...

Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis mon dernier billet ici.

En entrant à la clinique de la douleur cet été, j'ai eu accès à différentes ressources pour continuer ce long chemin qui, je l'espère, mènera un jour à la guérison de mon nerf facial blessé.

Trois mois de physiothérapie intensive entremêlés d'une sérieuse pratique de méditation pour continuer de soigner une blessure qui n'en finit pas de bousculer mes jours. Il y a de l'espoir, m'explique le corps médical, mais cela sera long. Je suis sur la bonne voie me répètent les experts, juste à ne pas lâcher. Facile à dire...

Bref, après 8 semaines intenses à confronter mon problème de santé en milieu médical, je retrouve le monde "normal" de ceux qui n'ont pas conscience des invisibles douleurs que peut offrir le corps.

Ainsi, je découvre le dossier que La Presse mijote "Morphine à volonté" et me voilà révoltée! Jour après jour, la lecture de ces articles me remplit d'effroi. Bon Halloween la mère! Et les mots s'écoulent....

29 octobre 2009/ Lettre ouverte à La Presse

Je suis outrée par la direction prise par votre dernier dossier en ce qui concerne les opiacés. Après avoir vécu une paralysie faciale avec complications douloureuses, je vis sous morphine depuis plus de trois ans. Par obligation. Sans joie. Ni abus.

Depuis plus de trois ans je vis avec un nerf facial endommagé qui fait de ma vie un enfer. Je fais partie du clan silencieux de la douleur chronique et je réalise, année après année, combien le grand public ne comprend rien à la douleur chronique. Combien il y a un manque d'éducation et d'informations pertinentes.

Malheureusement ce type de dossier ne fait qu'empirer les préjugés et ajouter à l'incompréhension de l'utilisation légitime d'opiacés en un contexte médical. De l'utilisation de la morphine pour fonctionner normalement. Sans buzz ni dépendance si ce n'est celle de la douleur en continu.

Au lieu d'aller voir un docteur pour simuler un mal et contribuer à la connerie humaine, pourquoi ne pas aller voir ceux qui ont mal pour vrai, ceux qui ne simulent pas et qui restent en vie grâce à la morphine? Parce-que c'est moins glamour, pas assez sensationnel?

À mon sens, c'est prendre le problème à l'envers.

Ceux qui savent utiliser la morphine à bon escient, consciemment, ne font pas la une. Pas assez intéressant? Ils sont pourtant nombreux ceux qui vivent avec une douleur physique qui ne lâche pas. Très nombreux.  Les chiffres parlent de deux millions de québécois affectés par la douleur chronique et la majorité sous opiacés.  Cette masse silencieuse doit affronter les préjugés nourris par les simulateurs et les junkies.

Pourquoi ne pas mettre en lumière ceux qui vivent grâce à la morphine? Ceux, qui comme moi, peuvent continuer d'avancer malgré la douleur? Pourquoi ne pas mettre l'emphase sur comment il est long d'accéder aux services médicaux lorsque l'on vit de la douleur chronique? Combien les fonds manquent dans les hôpitaux?

Peux-t-on trouver la vérité en enquêtant via le mensonge? Je suis outrée par cette façon de faire. Car si ce même journaliste avait une véritable douleur physique à gérer, il serait bien content que le médecin lui prescrive de la morphine pour le soulager!

Faire un tel dossier c'est jouer de sensationnalisme. C'est facile et lâche. C'est mettre l'accent sur un seul aspect d'un vaste problème. Tout le monde ne simule pas et n'abuse pas de la substance!

Que ferait ce même journaliste, qui n'explore qu'un côté du problème, s'il devait vivre avec un mal réel, avec l'une de ces douleurs neuropathiques qui font le quotidien de plusieurs? S'il allait chez le médecin pour se faire refuser de la morphine? Pourrait-il ensuite écrire comment il se sent et avoir une tribune?

Seul avec une intolérable douleur que la médecine ne voudrait pas soulager même s'il existe un moyen de le faire. N'hurlerait-il pas alors au meurtre?

Un junkie est un junkie! Ce n'est pas la faute à la drogue mais à celui qui décide de l'utiliser pour ruiner sa vie. Pour fuir ses problèmes. Et celui là trouvera toujours les moyens de se doper selon ses désirs...

Si un jour on pouvait légaliser toutes les drogues pour mieux éduquer, informer, encadrer, prendre soin de ceux qui veulent ruiner leur vie car ils n'arrivent pas à gérer leurs émotions destructives, il me semble que l'on aurait une chance de faire avancer le problème de fond.

Si un jour on pouvait faire un véritable dossier avec des gens vrais et honnêtes pour mettre en lumière combien vivre avec la morphine, pour traiter la douleur chronique, est une réalité. Ceux qui utilisent la morphine non pas pour fuir un problème mais pour mieux l'affronter. Peut-être serions nous moins jugés et incompris?

Lorsque je me suis retrouvée seule avec la douleur d'un puissant nerf endommagé, j'ai été stupéfaite devant le peu de ressources disponibles. Devant l'incompréhension et les préjugés d'autrui qui ajoutent à la honte de devoir vivre diminué par une douleur incessante. Longtemps je me suis cachée dans ce silence qui étouffe tous ceux qui vivent avec une douleur chronique.

Avez-vous conscience du nombre de personnes qui restent en vie grâce à la morphine? Qui ne se suicident pas grâce à la morphine? Moi la première. Car une douleur intense en continu est mortelle. Elle tue non pas le corps mais l'âme. Et la morphine sauve bien des vies.

Je défie quiconque de vivre avec une douleur intense, intolérable,  pendant des mois et de ne pas souhaiter que la mort le délivre! La morphine est alors un véritable radeau sur lequel se hisser pour ne pas se noyer en un noir océan.

Avez-vous conscience du mal que fait un tel dossier pour tous ceux qui sont sur ces radeaux de fortune, à ramer contre vents et marées, à essayer de ne pas couler?

Alors que je m'apprête à peser sur le bouton "publication", je découvre l'article du jour  "La morphine m'a sauvée".

J'en souligne ceci: "Des patients comme Mme Lapierre, c'est le quotidien de la Dre Aline Boulanger. Elle déplore que certains patients errent pendant des années dans les portes tournantes des cliniques avant de trouver un médecin qui les croie, et accepte de les soulager. Au bas mot, le tiers de ses patients a été sous-traité par les médecins, estime-t-elle. «Il y a beaucoup plus de patients sous-traités que surtraités. Le risque d'abus est très médiatisé, alors que l'autre volet, à l'inverse, on en parle peu», dit-elle."

Sachant combien l'association de la douleur chronique est aussi outrée de ce dossier et a mis en place une campagne interne incitant ses membres à se manifester, je me doute que cet article est celui qui est supposé calmer le jeu. C'est raté en ce qui me concerne.

Je me sous-médicamente moi-même, par choix personnel. Je fais partie de ceux qui sont réfractaires à la médication. Car l'une des premières choses que l'on doit apprendre dans la douleur chronique c'est cette subtile frontière entre le mal causé par la douleur et les effets secondaires des médicaments qui essaient de la soulager. Il n'y a pas de pilule miracle! Et je ne prends aucun plaisir à prendre les pilules qui me permettent de fonctionner. Je choisis de supporter un certain degré de douleur quotidien afin de prendre le moins de pilules possibles.

Sans oublier de faire remarquer que si je n'ouvre pas ma grande gueule et que je souris, je passe inaperçue. Personne ne peut imaginer ce que je vis si je n'en parle pas. Ne pas en parler est la norme (vu comment règne la compréhension générale).

Encore une fois je suis déçue, un mince exemple si on le compare aux autres articles. Comment ce seul article peut-il faire le poids contre les autres aux titres si provocateurs? Médecins et pharmaciens: les nouveaux pushers? Certains médecins sont devenus «de véritables pushers», Toxicos malgré eux, De patients à trafiquants de médicaments 

vendredi 24 octobre 2014

À chacun sa misère...

Depuis février 2011 je vis sous opioïdes. C'est ainsi. Je ne suis pas une junkie. J'ai juste un méchant virus qui m'a attaquée et blessée.

En février 2012, j'ai réalisé combien vivre sous morphine était aussi fatiguant que déprimant. Cela aide à supporter la douleur sans l'effacer pour autant. Cela endort le corps et déprime l'esprit. Un jour il faudra qu'un vrai junkie m'explique c'est quoi le trip car franchement je le comprends pas. Et cela m'intrigue. Y'a de quoi que je capte pas.

Bref, en parlant de la chose avec mon docteur, il m'a prescrit un stimulant, relativement jeune, pour contrecarrer les effets de la morphine. Un médicament initialement conçu pour les narcoleptiques. Sans gros effets secondaires et sans dépendance. Avec la particularité d'être anti-dépresseur par défaut. Un médicament qui fait fureur sur le marché noir des grandes écoles et qui a inspiré un film hollywoodien.

Depuis février 2012, ce cocktail morphine/stimulant me permet de survivre aux péripéties des dommages de mon nerf facial. C'est ni miraculeux ni trippant juste fonctionnel. Mais souvent je pense aux narcoleptiques que je ne connais point. Avec cette vidéo, découverte par ici, je comprends mieux et je ressens beaucoup d'empathie. Une autre condition rare avec laquelle il ne doit pas être facile de vivre...

 

vendredi 22 août 2014

Dérouler sa vie... malgré la douleur...

Quand il a mal, instinctivement, l'humain se roule en boule. Il se replie sur lui-même.

Une douleur physique n'est habituellement pas supposée s'étendre à l'infini. En se repliant sur soi-même, on se donne le temps qu'elle passe. C'est naturel.

Une douleur chronique n'est pas naturelle car elle est sans fin. Et c'est ainsi qu'elle gruge l'être à petit feu. La douleur chronique ne tue pas physiquement mais elle blesse violemment le moral. Parfois mortellement.

Chaque matin depuis plus de trois ans, je me réveille avec une moitié de visage endommagée. Des dommages invisibles mais oh combien présents!

Chaque matin, je dois combattre cet instinct de se rouler en boule. Chaque matin m'écrase de ces sensations douloureuses qui me donnent envie de me replier sur moi-même.

Se dérouler la vie, c'est le défi matinal de la douleur chronique.

J’ai compris que c'était un défi commun à tous ceux qui souffraient de douleur chronique en assistant aux groupes d’entraide. Accepter, chaque jour, la douleur en sa vie, n'est pas facile. La douleur a le don de faire ressortir le méchant. Elle irrite, fatigue, désespère, attriste.

Chaque matin où je me déroule la vie est supposé être une victoire. Chaque jour où je décide de sourire est un pied de nez au mal. Enfin d'après ce que j'en comprends. C'est ce que m'explique ce psy avec qui je fais connaissance au sein de la clinique de la douleur. Bref, j'ai choisi de commencer une thérapie axée autour de ce problème. J'ai droit à cinq séances. Toujours mieux que rien.

Pour quelqu'un qui vit normalement, ce psy possède une grande compréhension de la douleur chronique. Ses connaissances sont enrichissantes à mon esprit. Stimulantes. Il valorise cette voie mentale sur laquelle j'avance. Cela me fait du bien. Il me souffle des airs de sérénité avec lesquels continuer ce périlleux chemin..

En discutant avec lui, je réalise que même si je me sens esclave de cette douleur faciale, je la contrôle plus que je ne le réalise. Je me déroule tous les jours. Certaines journées mieux que d'autres, certaines journées plus vite que d'autres. J'ai du mal à en percevoir la victoire.

Selon le psy vivre sa vie malgré la douleur est une victoire. Je vis ma vie avec un nerf facial endommagé et je n'en vois pas la victoire, juste le poids. Je ne vois que l'énergie que je perds au gré de ces douleurs faciales. Des douleurs qui m'aspirent les heures et m'empêchent d'avancer à ma guise.

La douleur est synonyme de malheur. Si la joie vibre de bonheur, la douleur vibre de malheur. Elle aspire la joie. Elle la brûle en dansant autour de son bûcher.

Alors je fais de la résistance et je travaille à cultiver les joies. Je plante des graines de bonheur. J'arrache les mauvaises herbes. Je combats le malheur. Comme un vieux jardinier têtu. Je m'acharne.

Jour dix de méditation guidée avec Oprah et Deepak. Une expérience de 21 jours ayant pour but celui de canaliser son bonheur intérieur. Un mantra de dix minutes par jour pour aider sa cervelle à vibrer positivement. Si ce n’est pas révolutionnaire, ce n'est pas non plus inefficace...

C’est une arme psychologique contre la douleur. Une ancre dans le présent. Il parait que la clé du bonheur est dans le présent. Ce présent que l'on vit malgré la douleur.

Quand je pense au passé, je frissonne aux souvenirs des pics infernaux que m'a offert ce nerf facial blessé. Au présent, j'en ressens la complainte en continu, selon les degrés de son humeur. Au futur, il m’angoisse. Ma douleur faciale, si invisible, est particulièrement étrangère à tout repère. Le nerf facial étant ce petit garnement qui n’en fait qu’à sa tête.

Un garnement qui me rend l’œil myope quand il s’énerve. Par ricochet, le nerf facial engendre des névralgies oculaires qui provoquent une myopie contextuelle. Fun! Et c'est sans parler de la panoplie de douleurs faciales qu'il provoque par ricochet. C'est un pro du ricochet organique.

On me dit que je dois lui parler, l’accueillir, l’accepter. Afin de mieux pouvoir vivre avec lui. Pas facile. La peur de son inconnu et la puissance de ses sensations ne m'encourage pas à l'adopter. Mais plus je le comprends et mieux je le tolère. J'accepte ses leçons de vie.

Et je vais bêcher des mantras, en mon jardin intérieur, là où je cultive les joies qui me gardent en vie, là où poussent aussi des graines d'espoir...

mercredi 16 juillet 2014

Une histoire rare d'Herpès Simplex I



En mon cas particulier, la douleur est arrivée comme un siphon qui aspire l'être tout entier. Trois ans et demi plus tard, je dois l'accepter comme compagne de vie. C'est un défi quotidien.

En me réveillant, ce dimanche matin du 6 février 2011, avec une moitié de visage en train de paralyser, je me doutais que ce jour allait faire dérailler mon quotidien. Je savais, au fond de moi, que cela allait changer ma vie.

Une fois rassurée que je ne faisais pas un AVC, j'ai appris l'existence de la paralysie de Bell. En même temps que la moitié mon visage expérimentait des sensations toutes inconnues. Un engourdissement qui picote, un picotement qui augmente pour venir grignoter le visage de l'intérieur. Une insoutenable douleur qui soudainement fait sa loi.

La première semaine entre mon visage défiguré et cette douleur qui ne fait que grandir, je ne comprends plus ma vie. Deux semaines passent. La douleur est si atroce que je crains de devenir folle. Elle surpasse la souffrance psychologique d'être défigurée. Mon docteur me prescrit des forts opiacés. Assez pour abrutir le malheur, assez engourdir la douleur, assez pour ne pas perdre l'esprit...

Les trois mois qui suivent sont assommés par la combinaison de morphine et de douleur. Je vois ma physio trois fois par semaine. Mon visage donne des signes de mouvement mais la douleur reste infernale.

Six mois plus tard, mon visage peut de nouveau passer inaperçu dans la norme mais la douleur continue de faire sa loi intérieure. Un an plus tard, mon visage ne paraît plus bancal mais la douleur ne part pas. Après avoir diminuée sur une première année, elle se met à stagner.

Je commence à comprendre qu'une douleur physique peut ne plus partir...

Deux ans plus tard, la douleur, toujours présente, constante, est gérée par la morphine et le cheminement mental qu'elle entraîne. Une douleur qui ne paraît pas en public mais qui est bien visible à l'intime. Elle affecte ma personnalité, ma vie de couple, ma créativité. Elle me torture sans pitié. J'apprends alors qu'on ne peut pas mourir de douleur.

La douleur physique ne tue pas le corps mais elle tue le moral si l'on y prend pas garde. À petit feu. Trois ans plus tard, je comprends que je dois apprendre à vivre avec cette douleur persistante, capricieuse, contrôlante. Trois ans et demi plus tard, j'ai une place à la clinique de la douleur à l'hôpital. Je rentre dans ce programme conçu pour aider ceux qui souffrent sans répit.

Accepter l'impact psychologique de la douleur chronique

Il est intéressant de constater que quel que soit la douleur physique chronique, quel que soit sa cause, son impact psychologique est le même pour tous. Aussi différente qu'elle puisse être, elle affecte tout le monde de la même façon. Ceux qui souffrent de douleurs chroniques vivent les mêmes défis. Les mêmes dépressions de l'esprit. À cela s'ajoute l'incompréhension d'autrui, le tabou...

Faire partie de ce programme me rassure. Il valide ce que je vis. Non, je ne suis pas folle. Non, la douleur que je vis n'est pas psychologique. Non, je ne suis pas seule.

En même temps que ce programme de soutien médical me rassure, il me déstabilise. Personne n'a envie de se retrouver là! Je n'ai pas envie de me retrouver là. Mais je n'ai pas le choix d'y être. C'est pour mon bien. J'ai de la chance de pouvoir y être. Tant de sentiments qui s'affrontent et se déchirent sur un même problème.

Je sais que le virus qui a attaqué mon nerf facial est l'Herpès Simplex 1. Je sais que ce virus s'est transformé en ennemi juré le jour où il a décidé de se réveiller pour m'étriper le nerf facial. Impossible à prouver pour le corps médical. Ma théorie est pertinente pour les spécialistes avec qui je la partage. Elle fait du sens.

À la clinique de la douleur, la spécialiste en charge de mon cas m'explique en détail la nuance entre trijumeau et nerf facial. Le corps médical comprend le trijumeau. Il peut l'infiltrer. Le nerf facial est impossible à traiter. Il faut partie de ces mystères qui échappent encore à la science.

Le système nerveux est extrêmement complexe. Le nerf facial est un organe important du réseau nerveux. À part la physiothérapie et la morphine, il y a pas de solutions miracles pour me soigner.

Elle me dit: "Tu as la séquelle rare de la maladie rare. Le nerf facial est ancré si profondément dans le visage qu'on ose le toucher. Il n'y a aucune page dans aucun livre de médecine sur ce que tu vis. Au mieux on peut trouver quelques lignes qui le mentionnent et c'est tout. Mais tu n'es pas la seule. Ceux qui sont dans ton cas finissent tous par se retrouver dans mon bureau!". Ainsi j'apprends que tout est possible ou impossible. Difficile d'en faire un sens. Cela peut empirer, stagner, s'atténuer ou peut-être même finir par disparaître. Dieu seul le sait...

Cette douleur faciale qui m'accompagne les jours est comme un coucher de soleil (en enfer). Elle est pareille mais toujours différente. Pleine de couleurs et de nuances. Elle utilise une large gamme de sensations pour s'éclater. Elle tiraille, brûle, engourdit, raidit, pique, arrache, poignarde à différents degrés selon ses humeurs qui m'échappent...

 

Rien n'est prouvé scientifiquement mais en mon fort intérieur je sais que le coupable de ce mal est l'Herpès Simplex I. Mieux connu sous le nom d'herpès buccal. J'ai eu mon dernier feu sauvage lors de mon accouchement.

Dans les jours qui ont suivi je me suis retrouvée en septicémie à l'hôpital. Foudroyée par une infection fulgurante qui s'était faufilée en mes entrailles pour me tuer. Endométrite aiguë. Une infection qui tue les nouvelles mamans depuis la nuit des temps. Une infection féminine qui fait encore bien des victimes dans les pays en voie de développement...

Comme je vis en un monde moderne, la médecine m'a sauvée. Quatre jours d'antibiotiques intraveineux ont sauvé ma vie. Mais que s'est-il passé avec mon Herpès Simplex I? Telle est la question. Je suis ressortie de l'hôpital sans feu sauvage. Je n'ai plus jamais eu de feux sauvages depuis.

Alors que j'ai eu des feux sauvages depuis mon adolescence (au moins une demi-douzaine par année), je n'en ai pas revu un seul passer sur mes lèvres depuis que je suis revenue à la vie pour endosser mon rôle de maman. Si j'avais su tout le pouvoir de ce virus, je pense que je l'aurais moins maudit quand il me grignotait la lèvre. Si vous êtes de ceux qui se qui plaignent de vos feux sauvages, bénissez le ciel qu'il se manifeste juste autour de votre bouche!

La seule explication logique à mon mal présent est que mon Herpès Simplex soit entré en dormance. Quand ce virus va dormir, c'est dans le nerf facial qu'il loge. Il s'endort puis il se réveille. Et il attaque! Fort comme une armée, il ravage le visage de sa victime. Le mien s'est réveillé avec une rage peu commune en ce 6 février 2011.

Cela m'a pris du temps pour comprendre les tenants et aboutissants de la chose mais maintenant je comprends. Comprendre aide à lutter. Comprendre aide à garder son esprit sain.

Mon visage a retrouvé assez de symétrie pour que la blessure interne soit inaperçue à l'œil nu. Pour que les autres n'en aient plus aucune conscience.

Trouver des moyens d'avancer malgré la douleur

Les lésions de mon nerf facial endommagé provoquent des tensions, des frictions, une inflammation de fond que peu de gens peuvent voir ou comprendre. Plusieurs fois par mois, Elaine, ma physio, me remet la mâchoire en place. Ses manipulations faciales et crâniennes aident à ce que la vie continue de circuler en ce côté affecté de mon visage.

Sans Elaine, je ne pourrais lutter comme je le fais. Avec les années, elle est devenue une amie. Elle me comprend comme personne. Moralement, elle me soutient comme personne. Elle est entrée dans mon cœur et je lui suis reconnaissante de tant m'aider.

Maintenant que je suis entrée à la clinique de la douleur, il y a d'autres personnes pour m'aider. Je suis moins seule. J'apprends que les séquelles d'un accident que j'ai eu à 13 ans se conjuguent à celles du nerf facial. Mon cou avait été sérieusement affecté par cet accident. Le nerf facial passe par le cou...

Je rencontre une nouvelle physio, spécialisée dans le nerf facial, mon cas la stimule. Il n'est pas facile de blesser le nerf facial. Elle m'explique qu'habituellement ses patients ont été opérés d'une tumeur et que dans leur malheur, le nerf facial a été blessé lors de la chirurgie. Mon cas est rare. Très rare. Sérieux. Ses doigts en perçoivent les raideurs et blocages.

Elle me parle du fait que la douleur est utilisée comme torture depuis la nuit des temps pour casser le mental des gens. En effet. La douleur physique n'est par mortelle pour le corps mais elle s'attaque au mental avec force.

Elle croit pouvoir aider. Je l'espère aussi. J'ai maintenant deux physios pour m'aider à la lutte. Dans la foulée, je décide de profiter des services offerts par ce programme pour voir un psy spécialisé dans la douleur chronique.

En une salle stérile de l'hôpital, je le rencontre pour une première évaluation. Comme j'ai passé la dernière année à cheminer, à assister à des conférences, à participer aux groupes d'entraide, je suis bien avancée en ma compréhension de la chose.

Il m'explique que je suis sur la bonne voie. Je ne suis pas dans le champ. Je suis loin d'être folle. C'est rassurant de savoir que je suis sur le bon chemin. Même si c'est un chemin sur lequel je ne suis pas heureuse d'être...

Et c'est pour cela que j'insiste pour le voir. Pour trouver ces outils qui peuvent m'aider à cultiver une paix intérieure dans la douleur. Pour pouvoir être heureuse malgré cette douleur chronique qui me torture le visage de l'intérieur.

La majorité de nos sens sont dans notre visage. Si l'on peut vivre avec un bras ou une jambe en moins, il est difficile d'exister avec la tête coupée. Certains jours, certaines heures, la douleur faciale m'est si difficile à supporter que je me couperais bien la tête. Ce qui n'est pas une solution.

 

Je suis aujourd'hui capable de vivre avec la douleur faciale mais je n'en suis pas heureuse. J'en suis même bien triste au cœur de la chose. Je ne peux plus pleurer car l'acte de pleurer vient jouer dans le nerf facial et empirer ces douleurs qu'il génère. Alors je choisis de sourire plutôt que de pleurer. Même si cela fait mal, je veux continuer de sourire.

Lorsque j'étais paralysée d'une moitié de visage, ne plus pouvoir sourire était horrible. L'idée de ne plus jamais pouvoir sourire me remplissait d'horreur. J'ai alors réalisé combien j'aimais sourire.

Sourire est aussi un bon exercice de cette gymnastique faciale que je dois faire sur une base régulière. Plus agréable que les grimaces que je peux faire à m'étirer la face! Ainsi je reconstruis mon quotidien en cette nouvelle réalité. Je gère. Je contrôle. Je fonctionne. J'apprends. Je rumine. Je médite. Je chemine.

Au quotidien, en mes repères familiers, je peux trouver plus compliqué de mettre la douleur de coté. La tristesse qu'elle engendre pèse sur mon moral. La douleur veut prendre toute la place. Elle se faufile sur le devant de mes pensées.

Je sais que la douleur chronique a le pouvoir d'obnubiler l'esprit jusqu'à le rendre fou, amer, aigri, détruit. Elle enferme l'être qui se roule en boule. Je résiste. Je refuse de sombrer. À chaque fois que je tombe, je me relève.

La douleur chronique voile les petits bonheurs de la vie. Voyager m'aide à avancer. À prendre des élans. À retrouver ma créativité intérieure. En faisant des reportages voyage, mon cerveau stimulé est dépaysé par l'ailleurs qu'il découvre. Il retrouve le goût de vivre. Pour analyser l'inconnu qui s'offre à lui, il parvient à mettre la douleur de coté. Je me rappelle alors comment c'est d'être heureuse.

L'idée de fond est donc de renforcer assez le mental pour accepter cette douleur comme compagne. Pour l'accueillir et en tirer profit. Si ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort alors je dois trouver les moyens de canaliser cette douleur faciale pour devenir plus forte. C'est ma seule solution...