mardi 2 décembre 2014

Apprendre, comprendre, avancer?

"L'hyperalgésie périphérique et centrale induite par un stimulus douloureux est bien connue et implique des mécanismes neuronaux et biologiques (canaux ioniques, seconds messagers, expression génique) et se traduit par une augmentation de la réponse aux stimuli nociceptifs successifs et une transformation du système nerveux d'un état basal a un état sensibilisé [2]. (source)"

Le fait que je puisse aujourd'hui comprendre ce principe me fait réaliser combien mes connaissances médicales sur un sujet singulier sont rendues précises. Si je ne devais le vivre au quotidien, je serais fière de moi...

L'attaque virale initiale a provoqué, en mon nerf facial, une douleur aiguë sur plusieurs mois. De celle qui dépasse le 10 sur la fameuse échelle. Le nerf facial directement connecté au cerveau est reconnu pour la puissance de ses douleurs.

J'ai ainsi pu expérimenter les hallucinations de douleur avant que la morphine ne sauve ma cervelle. Certains prennent de la morphine pour halluciner, d'autres en prennent pour ne plus halluciner.

Durant cette période initiale où je faisais peur aux enfants tellement j'étais défigurée,  j'ai appris que la douleur physique ne tue pas. Elle tue tout sauf toi! La douleur physique est une alarme qui se transforme en torture. Et lorsqu'elle ne s'éteint plus, elle fait d'une vie un enfer. Un tel enfer qu'elle a su reléguer au deuxième plan l'expérience défigurée.

Les centaines de manipulations crâniennes que j'ai endurées depuis l'attaque initiale ont permis au côté moteur du nerf de s'en sortir. Le côté sensoriel sérieusement atteint n'en revient pas. Et comme les lésions et connections abhérantes présentes continuent de faire sonner le signal d'alarme. Celui-ci y ajouterait maintenant la trace mnésique de la douleur initiale.

Comme le visage possède le plus riche support sensoriel de tout le corps, l'expérience est en soi fascinante pour tout médecin intéressé par l'aspect médical du cas. Ce cas fascinant par sa complexité sensorielle est aussi dépitant puisque trop complexe pour les compétences de la médecine moderne actuelle...

Ceci dit, pour ajouter à l'exception du tout alors que je rencontre des dizaines de personnes en douleurs chroniques en mes pérégrinations médicales, je suis marginale à apprécier l'aide que m'apporte le corps médical en cette aventure. Tout le monde semble s'en plaindre. Sauf moi. Je n'ai pas vraiment de mauvaises expériences avec eux si ce n'est l'attente de services et le manque de ressources causées par des restrictions budgétaires.

Depuis le début,  chaque médecin,  chaque spécialiste, chaque expert apporte des briques à la fondation de ma compréhension générale vis à vis de la situation qui se déroule sous ma peau. Chaque médecin, rencontré sur ce chemin, a eu le don de me comprendre et de m'aider à mieux comprendre.

La pire expérience dont je peux témoigner est lorsque le neurologue après 3 electrogrames m'a sèchement dit que j'étais candidate pour la clinique de douleur et que je devais désormais apprendre à vivre avec. C'était il y a un an et demi.

Apprendre à vivre avec? What the fucking fuck! Passé le choc initial, j'ai pris le taureau par les cornes et j'ai commencé le processus d'apprentissage. À l'école militaire la mère. Gracieuseté d'un nerf facial déjanté. Un an et demi plus tard, je comprends bien le principe. Dire que je l'accepte est une autre histoire. Ce n'est plus une histoire médicale, c'est une histoire sentimentale...

Histoire de pousser encore un peu plus loin le bouchon, le psy m'explique que pour apprendre à vivre avec, non seulement il est important d'accepter la douleur mais qu'il faut aussi apprendre à l’accueillir. Sachant que c'est un procédé humain contre nature, rien de périlleux là dedans!

En cet apprentissage se profilent deux avenues à l'horizon. Celle qui cache et tait la situation. Celle qui parle et essaie d'expliquer celle-ci. N'ayant jamais vraiment su me taire, il est évident que je ne peux que prendre l'autre voie. Et en assumer le choix.

Ce faisant je réalise combien en parler indispose. C'est humain. Tout comme en parler est vulnérabilisant. Je n'ai jamais su faire semblant. Je peux faire avec. Mais je peux pas faire semblant. Alors je parle. Fuck it!

Car je réalise qu'importe le contexte de douleur physique, à court, moyen, long terme, cela finit toujours dans la même galère. Les impacts sociaux psychologiques de la douleur chronique sont les mêmes pour tous. Un autre aspect fascinant qui se précise à mes perceptions.

En même temps que j'apprends, à mesure que je mute et chemine, je retrouve cette voix que la douleur étouffe en ces différentes composantes. La compréhension aide au mouvement de fond. Ce faisant, je peux indisposer autant que je peux encourager. C'est paradoxal. D'un coté cela indispose ceux qui n'ont pas à le regarder et de l'autre cela encourage ceux qui ont le nez dedans!

Alors que je me retrouve le nez devant cette problématique ci:

"La sensibilisation centrale est initiée par des potentiels synaptiques « lents » au niveau de la CP par les fibres A delta et C qui vont s'additionner lors des stimulations répétitives nociceptives et générer une dépolarisation de plus en plus importante et longue au niveau des neurones de la CP. Cette dépolarisation cumulée résulte de l'activation des récepteurs de l'acide N-méthyl-D-aspartate (NMDA) par le glutamate et du récepteur NK-1 par la substance P et la neurokinine A. L'activation de ces récepteurs permet une entrée massive de calcium intracellulaire et stimulent une cascade chimique impliquant notamment la protéine kinase C, et la NO-synthétase avec production d'oxyde nitrique intracellulaire.

La sensibilisation périphérique induite par la libération au niveau du site lésionnel de substances biochimiques (K+, H+, prostaglandines, bradykinine) stimulent les nocicepteurs et les sensibilisent. Le réflexe d'axone libère la substance P et favorise une vasodilatation et une dégranulation mastocytaire avec libération de sérotonine et d'histamine. (source)"

Rendue là, si je m'étonne de ma propre compréhension, je ne m'étonne plus de ne trouver compréhension et réconfort qu'entre les mains du corps médical! Tout comme je comprends qu'il est bien difficile de comprendre pour autrui.

Mais je poursuis l'apprentissage en cette école militaire qui me prépare à je ne sais quoi. Parait que je le saurais juste lorsque j'en aurai terminé le programme. Si j'y arrive...

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