vendredi 22 août 2014

Dérouler sa vie... malgré la douleur...

Quand il a mal, instinctivement, l'humain se roule en boule. Il se replie sur lui-même.

Une douleur physique n'est habituellement pas supposée s'étendre à l'infini. En se repliant sur soi-même, on se donne le temps qu'elle passe. C'est naturel.

Une douleur chronique n'est pas naturelle car elle est sans fin. Et c'est ainsi qu'elle gruge l'être à petit feu. La douleur chronique ne tue pas physiquement mais elle blesse violemment le moral. Parfois mortellement.

Chaque matin depuis plus de trois ans, je me réveille avec une moitié de visage endommagée. Des dommages invisibles mais oh combien présents!

Chaque matin, je dois combattre cet instinct de se rouler en boule. Chaque matin m'écrase de ces sensations douloureuses qui me donnent envie de me replier sur moi-même.

Se dérouler la vie, c'est le défi matinal de la douleur chronique.

J’ai compris que c'était un défi commun à tous ceux qui souffraient de douleur chronique en assistant aux groupes d’entraide. Accepter, chaque jour, la douleur en sa vie, n'est pas facile. La douleur a le don de faire ressortir le méchant. Elle irrite, fatigue, désespère, attriste.

Chaque matin où je me déroule la vie est supposé être une victoire. Chaque jour où je décide de sourire est un pied de nez au mal. Enfin d'après ce que j'en comprends. C'est ce que m'explique ce psy avec qui je fais connaissance au sein de la clinique de la douleur. Bref, j'ai choisi de commencer une thérapie axée autour de ce problème. J'ai droit à cinq séances. Toujours mieux que rien.

Pour quelqu'un qui vit normalement, ce psy possède une grande compréhension de la douleur chronique. Ses connaissances sont enrichissantes à mon esprit. Stimulantes. Il valorise cette voie mentale sur laquelle j'avance. Cela me fait du bien. Il me souffle des airs de sérénité avec lesquels continuer ce périlleux chemin..

En discutant avec lui, je réalise que même si je me sens esclave de cette douleur faciale, je la contrôle plus que je ne le réalise. Je me déroule tous les jours. Certaines journées mieux que d'autres, certaines journées plus vite que d'autres. J'ai du mal à en percevoir la victoire.

Selon le psy vivre sa vie malgré la douleur est une victoire. Je vis ma vie avec un nerf facial endommagé et je n'en vois pas la victoire, juste le poids. Je ne vois que l'énergie que je perds au gré de ces douleurs faciales. Des douleurs qui m'aspirent les heures et m'empêchent d'avancer à ma guise.

La douleur est synonyme de malheur. Si la joie vibre de bonheur, la douleur vibre de malheur. Elle aspire la joie. Elle la brûle en dansant autour de son bûcher.

Alors je fais de la résistance et je travaille à cultiver les joies. Je plante des graines de bonheur. J'arrache les mauvaises herbes. Je combats le malheur. Comme un vieux jardinier têtu. Je m'acharne.

Jour dix de méditation guidée avec Oprah et Deepak. Une expérience de 21 jours ayant pour but celui de canaliser son bonheur intérieur. Un mantra de dix minutes par jour pour aider sa cervelle à vibrer positivement. Si ce n’est pas révolutionnaire, ce n'est pas non plus inefficace...

C’est une arme psychologique contre la douleur. Une ancre dans le présent. Il parait que la clé du bonheur est dans le présent. Ce présent que l'on vit malgré la douleur.

Quand je pense au passé, je frissonne aux souvenirs des pics infernaux que m'a offert ce nerf facial blessé. Au présent, j'en ressens la complainte en continu, selon les degrés de son humeur. Au futur, il m’angoisse. Ma douleur faciale, si invisible, est particulièrement étrangère à tout repère. Le nerf facial étant ce petit garnement qui n’en fait qu’à sa tête.

Un garnement qui me rend l’œil myope quand il s’énerve. Par ricochet, le nerf facial engendre des névralgies oculaires qui provoquent une myopie contextuelle. Fun! Et c'est sans parler de la panoplie de douleurs faciales qu'il provoque par ricochet. C'est un pro du ricochet organique.

On me dit que je dois lui parler, l’accueillir, l’accepter. Afin de mieux pouvoir vivre avec lui. Pas facile. La peur de son inconnu et la puissance de ses sensations ne m'encourage pas à l'adopter. Mais plus je le comprends et mieux je le tolère. J'accepte ses leçons de vie.

Et je vais bêcher des mantras, en mon jardin intérieur, là où je cultive les joies qui me gardent en vie, là où poussent aussi des graines d'espoir...