samedi 14 décembre 2013

Comme un navire sur l'océan...

Depuis que j'ai ouvert ce blogue et que je laisser couler ces mots que je retenais prisonniers, mon attitude envers la douleur chronique évolue.

Je travaille à l'accepter. Je suis capable d'en parler et de l'incorporer à cette nouvelle identité qu'elle forme en ma peau.

Aller aux groupes d'entraide de l'association québécoise de la douleur chronique m'aident aussi beaucoup. Briser l'isolement. Peut-être est-ce là le premier pas à faire.

Alors que j'écris ces mots, le quart de mon visage (la région de l’œil et de la tempe) me semble englué dans du ciment. En plus d'être désagréable, c'est étonnement douloureux. Comme un étau qui enserre les sens. Un quart de visage fait de la bouillie. J'ai quelques épines qui me piquent un coté de la cervelle et l'autre quart de visage (joue et bouche) est étiré par l'incroyable sensation de raideur qui en cimente son jumeau. Côté droit de mon visage, tout est beau. D'un côté, je me sens normale. De l'autre, c'est la pagaille.

Pour l’œil extérieur qui croiserait ma face en ce moment précis, il n'y aurait rien à déclarer, si ce n'est ma mauvaise mine et mon air mécontent. L’œil averti pourrait peut-être remarquer une minime asymétrie. Mais il suffirait juste que je trouve le courage d'un sourire pour passer inaperçue.

Avec l'expérience des années qui passent, je sais désormais que la douleur aiguë n'est pas permanente. Juste celle de fond. La douleur aiguë et la douleur de fond sont deux entités différentes. L'une paralyse, l'autre laisse son hôte fonctionner. L'une est question d'heures, l'autre est question de vie.

Lorsque la douleur de fond devient aiguë, il n'y a plus grand chose à faire. Il arrive un point où la douleur se libère de sa prison médicamentée et fait la fête. Elle me fait ma fête. Dans ces moments là, je choisis de ne pas monter mes doses d’opiacés pour ne pas en supporter les effets secondaires. La glace et le repos sont la seule solution. Désormais j'associe repos avec torture et je commence à en détester le mot.

Lorsque la douleur aiguë m'attaque. Je ne lui résiste plus. Avec de la glace sur la peau. Je deviens foetus et j'attends. Patiemment. Je sais qu'elle passera. Comme une vague sur l'océan. C'est juste une question de temps. Le repos l'avalera.

L'impression d'avoir un quart de visage cimenté n'est malheureusement qu'une sensation parmi tant d'autres. Toutes aussi énervantes les unes que les autres. Certaines plus violentes que d'autres. Ma douleur faciale chronique est en fait une myriade de sensations douloureuses. Sans parler des migraines ou de l'hypersensibilité à la lumière et au bruit. Ou encore des émotions qui en découlent comme l'irritabilité et l'impatience.

D'une échelle à un océan...

Sur l'échelle de ma douleur, présentement, je frôle le sept. Mais c'est en progression. Cela diminue. Je reviens d'un huit et demi. D'ici une douzaine d'heures à surfer la vague, je devrais retrouver mon rythme de croisière. Entre trois et cinq.

À partir de six, je sais que je joue avec le feu. En ce bras de fer que je joue avec mon trijumeau, je faiblis. Rendue à sept, je dois entrer au cloître. Je ne fais que souffrir. Si je suis bien lunée, cela peut devenir une prière à la vie, une méditation personnelle. La moitié de mon visage est une apocalypse qui se joue en direct sous ma peau. Je trucide des Zombies. I'm Michonne, black and fierce...

Si je monte à neuf alors là c'est le paroxysme. À neuf, c'est la cata, je ne suis plus qu'une loque qui dérive dans l'océan. Une loque humaine qui dérive au fil des vagues qui la portent. Le pire dépasse le dix. Le pire c'est le onze. Le pire, c'est une souffrance innommable, c'est la mort qui rôde. Ricanante. Enjôlante. Presque charmante.

Entre trois et cinq ma douleur est un lac. À partir de six et demi, c'est une tempête qui se lève sur l'océan.

J'ai maintenant l'habitude de traverser quelques tempêtes mensuellement. Si je veux vraiment "vivre", je ne peux éviter les tempêtes. C'est impossible.

Éviter toutes les tempêtes ce n'est plus vivre, c'est se reposer à l'infini, c'est mourir à petit feu. Terrassée par l'ennui. C'est se décomposer intérieurement. Mais tant que j'arrive à garder en main le gouvernail de mon bateau, je peux traverser une tempête. J'ai confiance. Il est solide. Même pas peur de couler! Je vogue...

Je deviens capitaine de navire. À l'aventure. Ceci dit, entre sept et huit, l'océan peut devenir violent. Passé huit, il est difficile de rester sur le pont sans se faire emporter par les eaux. Rendu là, je me réfugie en ma cabine intérieure. À dix, le bateau fait naufrage.

Mais la beauté de la chose, c'est qu'à chaque naufrage, la loque que je suis finit par échouer sur une plage. Et tout comme l'équipage qui échoua aux Bermudes au début du 17ième siècle, je me relève. J'hume l'air du temps. Et je sais qu'il me faut reconstruire un navire pour reprendre les eaux et retrouver la civilisation.

Affronter les tempêtes...

Au cœur de la nuit rythmée par les respirations et ronflements de ma famille endormie, je suis sur le pont. Je viens de traverser une petite tempête.

Apres deux grosses semaines à vivre sans trop me reposer et l'impossibilité d'aller chez ma kiné cette semaine, je savais que le ciel se couvrait et que le vent se levait. J'étais prête. Ça tombait bien c'était vendredi soir. Demain, samedi, je pourrais prendre le temps de réparer les dommages.

Lundi matin, je commencerai ma semaine par aller mettre ma face entre les mains d'Elaine pour me remettre la mâchoire en place. Ses manipulations crâniennes permettront à mon visage de se rééquilibrer, les opioïdes feront effet, je serai presque comme neuve.

Bientôt le jour se lèvera. Il faudra juste garder le cap. Ne pas pousser la machine. Se reposer. Recoudre quelques trous dans les voiles et reprendre la mer. Jusqu'à la prochaine tempête.

Mais si l'on survit bien aux conditions météorologiques qui font nos quotidiens canadiens, je devrais bien pouvoir m'adapter aux conditions de la douleur chronique en ma face. Il le faut. Je n'ai pas le choix. Ma responsabilité maternelle fait que je ne peux abandonner mon navire. Et même plus, je dois le reconstruire à chaque naufrage, pour mieux reprendre la "mère".

Et au fil du temps du passe, je réalise que le côté positif de la douleur chronique se situe en ses apprentissages humains. À confronter ses faiblesses on découvre ses forces...

mercredi 13 novembre 2013

D'envie et d'empathie...


Ces deux dernières années à vivre avec la douleur chronique j'ai pu constater combien le sujet dérange autrui. Personne n'aime parler de la douleur de l'autre. C'est un sujet triste. Cela ne divertit pas. Au contraire cela plombe l'atmosphère. Pour en converser il faut faire appel à son cœur, s'ouvrir en profondeur, se replonger dans ses propres expériences douloureuses, bref, c'est un bummer!

En son antipode, il y a le voyage, les gens aiment parler des voyages. Cela leur change les idées, cela fait rêver, on peut penser à ses propres voyages, se rappeler de bons souvenirs. On raconte et partage les anecdotes et les impressions d'ailleurs, cela envoûte l'atmosphère...

En cette dernière année à apprivoiser la douleur chronique, j'ai eu le bonheur de pouvoir faire quelques voyages de presse stimulants. De ces voyages qui m'ont élevé l'humeur afin de garder à flot mon moral. 

Dans les bocaux des voyages de presse, je suis comme un poisson dans l'eau. Tester de beaux hôtels, vivre toutes sortes d'expériences pour mieux s'imprégner de l'endroit que l'on explore. Croquer dans l'aventure comme dans un succulent gâteau. Je me régale.

De l'autre côté de la médaille, il y a aussi le travail à accomplir, il y a la pression à maitriser et la fatigue à gérer. Mais la cerise sur le gâteau, c'est de pouvoir ensuite écrire sur le sujet. Définitivement mes meilleures piges!

 Et même si la douleur m'accompagne en voyage, je la trouve moins lourde. Plus douce. Il est dit que plus on est heureux et mieux on supporte la douleur. C'est tout à fait vrai. En mode bonheur, il est plus facile de recaler la douleur en arrière-plan pour mieux faire "comme si".

Inversement, être malheureux accentue la douleur. "Faire comme si" peut devenir si pesant quand on est malheureux qu'il semble impossible de fonctionner normalement. Voyager me rend heureuse. Aussi voyager m'est devenu vital. Car si être heureuse m'aide à me dissocier de la douleur de fond, être stimulée est tout aussi efficace. C'est un combo gagnant!

Évidement il ne faudrait pas que je perde mes médicaments en cours de route! I would be f...ed. Aussi ma trousse de pharmacie est toujours dans mon sac à ma main, jamais dans mes valises. Et je dois souvent cacher la douleur derrière un sourire. Mais il est si facile de sourire en voyage!

Et puis je dois faire attention à ne pas brûler la chandelle par les deux bouts pour ne pas atteindre de paroxysme et me retrouver en 24hres de repos forcé. Une expérience que j'ai vécue à New-York après trois semaines de voyage exaltant et dont je vais me souvenir longtemps...


Bref dans la dernière année, j'ai eu le plaisir de voyager et d'en partager les expériences sur les réseaux sociaux. Ainsi j'ai collectionné les "je t'envie" et "je suis jalouse". De ces petits mots lancés à la légère (presque des expressions) qui sont des émotions typiquement humaines. De celles que je peux moi-même ressentir quand mon cerveau se joue de ma vie...

Dieu sait que l'humain a une déconcertante facilité à ressentir l'envie de brouter l'herbe du voisin!

Personnellement lorsque j'en ressens la sensation, je la refuse avec conviction. Je ne désire ni envie ni jalousie en mes sens. Je me force à bannir les expressions de mon vocabulaire courant. Sachant que ces pulsions ne sont que des bouffées toxiques qui ne pourraient que m'encrasser les neurones, je les chasse.

Si je suis faible et que l'émotion est forte alors je lui parle, je la raisonne. Être heureuse pour autrui est meilleur à ma santé, nul besoin d'envier ou de jalouser. Mieux vaut être inspirée et s'en servir pour nourrir ses propres élans. Inspirer et s'élever...

Inversement, l'empathie et la compassion ne semblent pas si inhérentes à nos conditions humaines. Ainsi cette dernière année à apprivoiser la douleur chronique, j'ai pu réaliser combien l'empathie et la compassion ne sont pas aussi aussi rapides à se manifester que l'envie ou la jalousie. Certains jours j'en conçois une certaine tristesse.

Car si l'envie des autres peut nourrir l'égo, à grosses doses, elle n'est que nocive. La jalousie, l'envie, tout comme la colère et la haine sont des émotions empoisonnées. Même si elles peuvent se justifier à volonté jamais elles ne seront saines à la santé.

D'un autre côté, on sous-estime trop souvent le pouvoir qu'un geste de compassion peut avoir sur autrui. D'ailleurs j'ai lu quelque part que travailler sa propre compassion aide aussi à apprivoiser la douleur. Ce n'est pas faux. Puiser dans l'expérience de ses propres douleurs permet d'atteindre facilement la compassion. À noter qu'offrir de la compassion peut faire autant de bien au coeur que d'en recevoir!

Aussi on sous-estime combien l'empathie peut faire du bien. Elle éloigne l'isolement. Elle réchauffe l'âme. L'empathie est une notion à ne pas confondre avec la pitié. La pitié peut donner la nausée mais l'empathie donne toujours de la force.

L'empathie et la compassion sont des qualités humaines qui se travaillent afin de mieux vivre alors que la jalousie et l'envie sont des défauts contre laquelle l'humanité doit se battre pour ne pas s'auto-détruire.

Et si les réseaux sociaux peuvent cultiver des graines de jalousie et d'envie dans l'inconscient collectif, il faut garder conscience que ce ne sont souvent que des miroirs qui reflètent le meilleur de nos vies. Comme les albums photos d'antan, ceux que l'on feuilletait, enfant, pour le plaisir de voir le passé immortalisé.

De nos jours, non seulement le passé s'immortalise au présent mais en plus il se partage! Et il est aujourd'hui très facile de contempler le vert de l'herbe du voisin (sous de multiples coutures). Mais il ne faut jamais oublier que si cette herbe nous semble si pétillante c'est parce-qu'on la regarde de loin...

Si l'on devait enfiler les bobettes (et accessoirement les chaussures) de celui qui l'entretient on ne regretterait pas tant que cela ses propres bottes et son petit carré d'herbe, qui de loin, scintillerait de plus belle...


"L'empathie (du grec ancien ἐν, dans, à l'intérieur et πάθoς, souffrance, ce qui est éprouvé) est une notion désignant la « compréhension » des sentiments et des émotions d'un autre individu. En langage courant, ce phénomène est souvent rendu par l'expression « se mettre à la place de » l'autre. Cette compréhension se produit par un décentrement de la personne (ou de l'animal) et peut mener à des actions liées à la survie du sujet visé par l'empathie, indépendamment, et parfois même au détriment, des intérêts du sujet ressentant l'empathie. Dans l'étude des relations interindividuelles, l'empathie est donc différente des notions de sympathie, de compassion, d'altruisme ou de contagion émotionnelle qui peuvent en découler. *source"

mardi 5 novembre 2013

Être une maman différente...

Plusieurs de mes copinautes sont aux prises avec des enfants différents. J'en lis leurs tourments et je compatis souvent avec leurs combats même si je n'ai pas en vivre les affres.

Depuis que je suis entrée dans le clan de la douleur chronique, je me sens une maman différente. C'est une douleur psychique qui s'ajoute à celle que je vis physiquement.

Être maman quand on a mal au jour le jour n'est pas évident. Il faut énormément prendre sur soi. Je n'aime pas l'idée d'être une maman différente.

Je me sens coupable de ne pas être en forme comme je le voudrais. De devoir me reposer plus que la norme. De manquer d'énergie ou de patience.

Je ne cache pas mes défis à ma puce de bientôt huit ans. Ma puce est aux premières loges de ma vie. Comment pourrais-je lui cacher sans lui mentir? Et comme le mensonge ne fait pas partie de mes valeurs, je me retrouve à devoir lui expliquer ce qui m'arrive.

Ma paralysie faciale m'est tombée dessus lorsqu'elle avait cinq ans. Elle se rappelle de mon visage défiguré mais n'en conserve aucun traumatisme. J'imagine que pour elle ma douleur faciale est une réalité comme une autre. Cela fait partie de ses normes.

Je fais mon possible pour que cela n'affecte sa vie le moins possible. Mon fardeau n'est pas le sien. Elle n'a pas à le porter. Elle a sa vie à construire et je ne veux pas lui léguer mon épreuve en héritage. Pourtant, il y a de ces jours où elle devient ma seule raison de vivre. Mais je ne veux pas qu'elle en ait conscience. Je ne veux pas lui briser son innocence enfantine.

Le mois dernier, j'ai rencontré chez des amis une petite fille de dix ans qui venait de perdre sa maman d'un cancer. Cela m'a profondément touchée. La dame se battait contre la maladie depuis que la petite avait cinq ans. Une véritable tragédie pour cette enfant devenue orpheline de maman. Je me suis dis: "Ma vieille, arrête de pleurnicher sur ton sort, tu es peut-être une maman différente mais au moins tu es vivante!"

J'essaie donc de trouver les points positifs d'être une maman différente. Je me dis que cela lui apprend la compassion et que cela approfondit son humanité. Tant que cela n'affecte pas sa qualité de vie, je gagne un match dans ce tournoi existentiel que je vis avec la douleur chronique.

Ce matin, je parcoure le journal publié par l'association de la douleur chronique et j'en discute avec mon homme pendant que la puce s'habille pour sa journée d'école.

Au cours de la conversation je lui dis:

- Quand même, c'est dur de me dire que je ne serai plus jamais normale!

Et j'entends alors une petite voix outrée s'exclamer depuis la salle de bain:

- Mais maman, tu es toujours humaine, tu n'es pas une extra-terrestre!

Je souris. Ne dit-on pas que la vérité sort de la bouche des enfants?

lundi 4 novembre 2013

Jour après jour...

La douleur chronique est un mal qui dure quotidiennement depuis plus de trois mois. Elle se manifeste généralement après un dommage physique vécu par l'organisme.

Cette douleur, au lieu de disparaitre, s'installe dans le quotidien et vient réduire la qualité de vie de celui qui la ressent. La douleur est universelle mais si différente selon les cas et les contextes. Elle est difficile à comprendre pour ceux qui ne l'ont jamais vécue.

Cela m'a pris plus de deux ans pour accepter que ma douleur faciale ne disparaitrait pas d'un coup de baguette magique. Je ne suis pas certaine d'en comprendre encore toutes les ramifications existentielles mais je sais que la première étape est d'accepter cette nouvelle réalité. Et si je travaille à accepter ce fait, je ne suis pas certaine que je l'accepte encore.

Il est difficile d'accepter qu'une douleur ne disparaîtra pas. Normalement la douleur cela va, cela vient mais cela finit par lâcher. Ce n'est pas le cas de la douleur chronique. La douleur chronique persiste, jour après jour, elle signe.

Certains jours, je me dis que ce n'est pas la peine d'en faire un plat. J'ai mal, je n'en mourrai pas, je n'ai qu'à vivre avec. D'autres jours j'ai le moral à zéro et je ne suis plus capable d'en supporter la présence en ma peau. Il y a de ces jours où je me sens forte et d'autres où je me sens faible. 

Il y a ces jours où je me sens forte de vivre avec cette douleur quotidienne et d'autres où je me sens faible de ne pas arriver à mieux la supporter. Je me sens forte quand j'arrive à m'en dissocier quelques minutes à la fois. Quand j'arrive à passer par dessus pour fonctionner comme si de rien n'était. Mais je me sens faible quand elle m'emporte les idées pour les noircir à foison.

La douleur chronique irrite. Elle irrite celui qui la vit et l'entourage qui ne la comprend pas. Quand on souffre de douleurs chroniques on se retrouve en une montagne russe d'émotions qui est loin d'être amusante. La douleur chronique gruge les patiences et nourrit le mal-être.

Je n'aime pas m'en plaindre. Mais à ne pas l'exprimer, je m'isole. Il y a des ces jours où je l'accepte et d'autres où je la déteste de toutes mes forces. Je sais que pour la combattre je dois garder le moral. Mais je sais aussi que la douleur aspire le moral. Elle diminue les joies et elle accentue les colères. Elle se joue de nos émotions. Elle les transforme. Elle les noie.

La douleur chronique est un défi quotidien. En mon cheminement personnel, je m'éduque. Je lis, je réfléchis, je médite. J'apprends à devenir l'experte de cette douleur que je suis seule à vivre.

Une fois par mois j'assiste à un groupe d'entraide. Ainsi je réfute le sentiment de solitude qui fait que l'on ne peut en parler sans gêner. J'y découvre d'autres qui bataillent comme moi. Je résiste. J'ajuste ma vie. J'essaie d'éloigner tout ce qui pourrait entrainer des émotions négatives et je m'applique à cultiver les pensées positives. Jour après jour, je combats...

Trio vidéos

Quelques vidéos à visionner pour mieux comprendre les différents défis de la douleur chronique....




jeudi 31 octobre 2013

Trouver le guerrier en soi...

Les six premiers mois de ma paralysie faciale ont été un long paroxysme infernal. La douleur faciale était si intense. Quasi surréaliste. La moitié de mon visage était ravagé.

C'était comme dans un mauvais film d'horreur. Comme si l'on m'avait injecté une colonie de nano-araignées pour me grignoter le nerf facial. Il paraît que lorsque le nerf facial est blessé, il peut offrir les pires douleurs humaines. Ce qui est certain c'est que c'est pire que d'accoucher!

Ainsi j'ai appris que l'humain pouvait éprouver de puissantes douleurs physiques sans en mourir. On peut finir par avoir envie de mourir mais en soi la douleur ne tue pas. Elle torture. Ainsi j'ai eu l'impression d'entrer en un univers à la Hellraiser avec mon nerf facial comme réalisateur.

Accompagnée de forts opiacés comme armes de combat, j'ai survécu à ces six premiers mois. J'ai survécu à l'attaque initiale. Mentalement je me suis battue comme une lionne. Mon visage a retrouvé sa mobilité. D'un point de vue extérieur j'avais gagné la guerre. Mais c'était sans compter sur les séquelles que cette guerre a laissé sous ma peau.

Alors que mon visage retrouvait sa normalité, la douleur prenait demeure. Elle progressait quand même vers le mieux (sans pour autant vouloir lâcher prise). La progression a duré une grosse année puis elle s'est mise à stagner.

Deux ans plus tard, j'ai commencé à réaliser que ce qu'il en restait s'installait. Deux ans et demi plus tard, j'ai compris que je faisais maintenant partie du clan de la douleur chronique. Je dois apprendre à vivre avec. Tout un programme...

La bonne nouvelle c'est que les paroxysmes se font plus rares. Je comprends mieux le mal. Je le gère. J'apprends à le contrôler avec l'objectif de le maîtriser.

La mauvaise nouvelle c'est que cela fait tout le temps mal. Mon visage est désormais coupé en deux et le côté gauche m'évoque un scénario post-apocalyptique.

Je suis passée de l'enfer à la Hellraiser aux Walking Dead. C'est quand même mieux.



Au moins je peux m'imaginer en Michonne (avec son air rageur, ses muscles saillants et son Katana levé) plutôt qu'en pauvre victime accrochée par la peau à quelque pieu maléfique pour le plaisir de démons sadiques.

C'est beaucoup mieux. Elle est cool Michonne, c'est une survivante.

Elle est pas commode et elle ne se laisse pas faire. Elle est forte et convaincue. Sa vie n'est pas facile tous les jours mais elle avance. Elle se reconstruit même si elle se bat quotidiennement. Elle serre les dents et refuse la pitié. C'est une guerrière. Et je l'adopte en mes idées pour m'aider à lutter...

mercredi 30 octobre 2013

Gérer la douleur chronique au quotidien

Ailleurs, je blogue depuis ce qu'il me semble être la nuit des temps. Mais depuis que je suis entrée dans la dimension de la douleur chronique, je blogue beaucoup moins qu'avant. Si j'ai blogué les débuts des affres de ma paralysie faciale, je n'en ai jamais vraiment blogué les conséquences. Bloquée par l'amplitude de celles-ci...

Prise entre le besoin d'en évacuer les émotions et l'envie de ne rien en dire. Vulnérable. Fâchée par cette nouvelle réalité qui devenait mienne. Une réalité incompréhensible pour beaucoup. Une réalité que je devais apprendre à comprendre moi-même. Une réalité difficile à partager sans me sentir fragilisée. Une réalité que je n'ai pas envie de mélanger avec celle que je blogue ailleurs depuis une dizaine d'année.

Plus de deux ans ont passé et la douleur est devenue une compagne de vie. Une honteuse compagne qui me fait la vie dure. Qui me bouleverse le quotidien pour le transformer. Une compagne que j'haïs souvent. Même si elle me rend plus forte car elle ne me tue pas. Elle alourdit ma vie, elle en aspire la légèreté, l'humour, le bien-être. Elle creuse un fossé entre moi et les autres.

Petit à petit, j'ai compris que je devais l'apprivoiser pour ne pas qu'elle m'avale. Invisible. Cachée. La douleur faciale fait désormais partie intégrante de ma vie. À son paroxysme elle fait de mes jours un cauchemar éveillé.

À son paroxysme, elle m’arrache l’œil, elle me plante un clou dans la joue, elle m'offre les sensations d'une rage de dents et d'une otite combinées. Le tout enrobé d'une bonne migraine. Son paroxysme a un petit goût d'enfer. Et même lorsque je la contrôle, elle persiste en musique de fond. Jamais elle ne disparait. Toujours prête à me ravager le coté gauche du visage, d'une manière ou d'une autre. Sensations de brûlure, d'élancements, fourmillements, spasmes sous-cutanés. Hypersensibilité au bruit et à la lumière. Tiraillements, raideurs, crispations, la douleur revêt multiples nuances en mon visage.

Coté droit cela va bien. Alors lorsque les gens me demandent: "Comment ça va?" c'est toujours le coté droit qui répond. Coté gauche, au mieux, c'est comme une soirée tranquille en une enclave de survivants d'apocalypse zombie. Au pire c'est comme un groupe de survivants qui essaie de ne pas se faire bouffer par une horde gourmande. C'est l'horreur.

Avancer. Assumer. Avaler. Exister. Maudire cette douleur qui s'est installée en ma vie. Pour ne pas sombrer je dois constamment la combattre, la maitriser, la respecter.

Ainsi je découvre la réalité de la gestion de douleur. Et puis, aujourd'hui, de bon matin, je vais voir le neurologue. Ce médecin peu humain qui ne me plait guère. Celui qui ne trouve pas mon cas assez grave à son goût. C'est vrai, mon cas n'est pas fatal. J'ai la chance de ne pas avoir de tumeur ou de cancer. Mais j'ai la malchance d'avoir un nerf facial sérieusement endommagé qui me change la vie.

Aujourd'hui, j'ai donc eu la confirmation que les douleurs névralgiques post paralysie faciale sont là pour rester. C'est une pilule difficile à avaler. Pas mal plus difficile que celles que je devrai avaler dans les prochaines années.

Alors que je reprends le chemin de ma maison. Je vois si rouge que j'en ai la cervelle qui bouillonne de colère. Rebelle, je ne prends pas mes anti-douleurs et je sens monter cette douleur que je connais bien. Je me prends à rêver d'être transportée en une petite apocalypse zombie, juste pour le plaisir de faire de la bouillie de cervelle contaminée. Histoire de me défouler les émotions frustrées.

Comme j'en parle rarement, je sais que la plupart de mes connaissances n'ont aucune conscience de ce qui se trame en mes pensées. Ces pensées qui se conjuguent à la douleur chronique pour me ronger de l'intérieur. À petit feu. Et je me dis que le temps est venu d'évacuer. Qu'il est temps de me battre avec ce que j'ai de plus précieux: ma plume.

Ainsi commence ce blogue. Un blogue que j'ouvre non par envie mais pour ma survie mentale. Car l'écriture est thérapeutique. Et il temps que je l'ajoute à la boite à outils dont je me sers en cette gestion de douleur qui fait désormais partie de mon quotidien.

Je sais qu'il est temps que j'arrête d'entraver les mots qui me saignent les idées. Arrêter de cacher ce mal qui me nuit. Je sais que je ne suis pas la seule à vivre de la douleur chronique.

D'ailleurs la semaine prochaine est la semaine québécoise de la douleur chronique. Alors qui sait, peut-être qu'au final, les mots que je déposerai ici pourront aussi aider d'autres personnes qui combattent la douleur chronique. Car même si les maux physiques sont différents, lorsqu'ils sont permanents, ils entrainent l'âme et le cœur en un même tourbillon....