jeudi 4 février 2016

En ce roman de mon corps...

Mon corps est un roman. Il y a 30 ans, à l'aube de mes 13 ans, j'ai manqué un saut durant un cours de sport à l'école. J'ai plongé tête la première sur le ciment. Bang!

La prof, paniquée, m'a donnée quelques claques pour me réanimer. Vive la brousse jurassienne au début des années 80...

On m'a ensuite fait marcher. Deux camarades de classes m'ont aidée jusqu'à l'infirmerie. J'étais dans un état semi comateux où tout était brumeux.

Quatre heures plus tard, ma grand-mère est venue me récupérer. En piteux état. En un seul coup d’œil, elle m'a emmenée à l'hôpital. Bilan de l'opération, traumatisme crânien, hématome au cerveau, cervicales fêlées et la dure mère sectionnée.

Perte d'équilibre durant 3 mois. Paraplégie contextuelle durant plus de six mois. Plusieurs séjours à l'hôpital. Un an d'ostéopathie. Rééducation plusieurs fois par semaine durant plus de six mois pour réapprendre à marcher normalement.

Deux ans plus tard, je pouvais de nouveau marcher comme tout le monde. Ceci a correspondu avec mon immigration.

À Montréal, en une nouvelle vie, je marchais comme tous les autres passants sur la rue. J'étais prête à croquer à pleine dents dans la vie même si je vivais avec des migraines récurrentes et des problèmes de dos et de cou conséquents.

Je ne peux même pas en vouloir à la prof qui a si mal géré mon saut raté puisqu'elle morte d'un cancer quelques années plus tard. Est-ce que je peux m'en vouloir d'avoir sauté comme un pied ce matin là? Pas sûre que c'est utile au schmilblick...

Depuis ce saut épique, il y a plus de tapis autour du tapis principal dans les gymnases jurassiens. Les sauts en ciseau ratés n'ont plus de chance d'atterrir sur le ciment. Les séquelles gardées de cet accident me suivent depuis 30 ans. Mais je marche, normalement. Tant que tiendront mes genoux.

Particulièrement tant que tiendra mon genou droit avec son ménisque déchiré, son fond d'arthrose et sa rotule malformée...

De maux en maux défilent les maux

Il y a dix ans, après une grossesse éprouvante, j'ai attrapé une infection durant mon accouchement à l’hôpital. Trois jours après la naissance de ma fille, je me suis retrouvée en septicémie à l’hôpital. Sauvée par la médecine moderne après quatre jours de traitement de choc d'antibiotiques en intraveineux.

Il m'aura fallu près de deux ans pour retrouver un semblant de santé après quelques pneumonies, bronchites, gastro violentes et autres cochonneries du genre...

C'est durant cette expérience de septicémie que le virus de l’Herpès qui passait par là, est allé s'endormir en mon nerf facial (via la faiblesse engendrée par les séquelles en mon cou m'explique ma physio). Sans que je n'en ai aucun soupçon. À peine si j'ai remarqué que je n'ai plus jamais eu de feu sauvage après cette expérience.

Il y a 8 ans, je me suis pétée deux chevilles dans le même mois! Un autre chapitre de mon corps en son roman. L'une des deux chevilles s'est bien guérie. L'autre moins. Elle n'apprécie plus guère que je me perche trop longtemps sur des talons hauts. Elle reste sensible et prête à enfler si je ne la considère pas.

Il y a cinq ans, je me suis réveillée avec une moitié de visage paralysé. Les séquelles du nerf facial dégradé se sont conjugués avec les séquelles de cet ancien accident pour faire de moi ce cas unique qui fait tripper ma physio. Un cas unique en son genre qui ne me fait guère tripper. Cinq ans que je trime. Cinq ans que je morphle. Cinq ans que j'essaie d'avancer...

En me débloquant une vertèbre bloquée dans le cou, ma physio m'explique, une autre fois, combien ces deux blessures invisibles ne font maintenant plus qu'une. Mais je n'ai plus le visage paralysé. Je peux sourire normalement!

En ces dernières années, j'ai aussi appris ce qu'étaient les dépressions de douleur et j'en ai eu pour mon grade. Mais tant que je lâche pas le morceau, tant que j'autogère correctement mon cas et que je me fais traiter régulièrement, j'ai une chance de rétablissement. En ce long processus dans lequel je chemine.

Je dois apprendre à vivre avec les dommages causés par ce virus en dormance qui a eu l'idée fatale de se réveiller un matin pas comme les autres. Dans deux jours, cela fera cinq ans depuis ce matin là. Cela me travaille les neurones...

J'apprends donc à vivre avec une moitié de face décâlissée comme j'ai appris à vivre avec un cou cabossé.

Sauf que sur ce coup là, les séquelles ne sont pas de type douleur chonique faible à modérée. Sur ce coup là, les lésions neuropathiques entraînent une douleur chronique de type forte.

Lorsque la douleur neuropathique ne suffit pas au roman...

Il y a quatre ans, j'ai expérimenté une torsion d'ovaire qui m'a appris que j'avais un kyste de la taille d'un pamplemousse sur celui-ci. Comme me l'a expliqué le chirurgien, côté douleurs, cela se compare avec une torsion de testicule chez les hommes.

Bref, j'ai mangé une bonne claque. Cette autre aventure bien douloureuse aura résulté en l'ablation de l'ovaire et de son kyste. Une situation rare et atypique. Je serais née avec ce kyste qui a simplement grossi jusqu'à m'en retourner l'ovaire. Ce sont des choses qui arrivent. C'est rare mais possible.

Je garde des douleurs neurogènes mensuelles de mon ovaire disparu. Cette opération aura bouleversé mes hormones de telles sorte que j'en aurais connu des séquelles en ce qui concerne mes cycles féminins. Rien de sympa en soi.

Comme ma santé ne me permet pas d'envisager d'autre grossesse depuis celle qui a failli me tuer, je n'en ai pas trop fait de cas et j'ai continué mon cheminement en douleur chronique de nerf facial déjanté.

L'été dernier, une tumeur fulgurante de la taille d'une balle de golf s'est déclarée dans mon bras droit. Une mésaventure médicale traumatisante avec d'inimaginables douleurs, qui a résulté dans l'excision de cette tumeur nécrosante, si rare et atypique, que j'en ai été bien maltraitée dans le processus de me faire soigner. Enfin, je suis heureuse d'avoir pu garder mon bras droit!

La cicatrice en mon bras s'estompe, j'en garde quelques fines douleurs certains jours, mais pas de quoi en faire un plat. Si ce n'est de l'expérience humaine que j'ai vécue et qui me reste sur le coeur.

Cette semaine marque les cinq ans à vivre en douleur neuropathique. Cette blessure là ne s'estompera pas. Apprendre à vivre avec transforme mon être en profondeur.

En ce roman que me fait vivre mon corps, je décide de ne jamais aigrir mais de toujours grandir. Ainsi continue d'évoluer ma vie alors que je prie, en ce début d'année, pour que mon corps me laisse un peu tranquille et me donne le droit de vivre et d'exister...

(En mes différents efforts pour briser l'isolement dans lequel entraîne la réalité de la douleur chronique, j'anime un groupe virtuel de mieux-être en douleur. J'y brouillonne parfois là-bas les idées qui viennent ici se poser et j'y dépose là-bas des textes ici rédigés)