Ailleurs, je blogue depuis ce qu'il me semble être la nuit des temps. Mais depuis que je suis entrée dans la dimension de la douleur chronique, je blogue beaucoup moins qu'avant. Si j'ai blogué les débuts des affres de ma paralysie faciale, je n'en ai jamais vraiment blogué les conséquences. Bloquée par l'amplitude de celles-ci...
Prise entre le besoin d'en évacuer les émotions et l'envie de ne rien en dire. Vulnérable. Fâchée par cette nouvelle réalité qui devenait mienne. Une réalité incompréhensible pour beaucoup. Une réalité que je devais apprendre à comprendre moi-même. Une réalité difficile à partager sans me sentir fragilisée. Une réalité que je n'ai pas envie de mélanger avec celle que je blogue ailleurs depuis une dizaine d'année.
Plus de deux ans ont passé et la douleur est devenue une compagne de vie. Une honteuse compagne qui me fait la vie dure. Qui me bouleverse le quotidien pour le transformer. Une compagne que j'haïs souvent. Même si elle me rend plus forte car elle ne me tue pas. Elle alourdit ma vie, elle en aspire la légèreté, l'humour, le bien-être. Elle creuse un fossé entre moi et les autres.
Petit à petit, j'ai compris que je devais l'apprivoiser pour ne pas qu'elle m'avale. Invisible. Cachée. La douleur faciale fait désormais partie intégrante de ma vie. À son paroxysme elle fait de mes jours un cauchemar éveillé.
À son paroxysme, elle m’arrache l’œil, elle me plante un clou dans la joue, elle m'offre les sensations d'une rage de dents et d'une otite combinées. Le tout enrobé d'une bonne migraine. Son paroxysme a un petit goût d'enfer.
Et même lorsque je la contrôle, elle persiste en musique de fond. Jamais elle ne disparait. Toujours prête à me ravager le coté gauche du visage, d'une manière ou d'une autre. Sensations de brûlure, d'élancements, fourmillements, spasmes sous-cutanés. Hypersensibilité au bruit et à la lumière. Tiraillements, raideurs, crispations, la douleur revêt multiples nuances en mon visage.
Coté droit cela va bien. Alors lorsque les gens me demandent: "Comment ça va?" c'est toujours le coté droit qui répond. Coté gauche, au mieux, c'est comme une soirée tranquille en une enclave de survivants d'apocalypse zombie. Au pire c'est comme un groupe de survivants qui essaie de ne pas se faire bouffer par une horde gourmande. C'est l'horreur.
Avancer. Assumer. Avaler. Exister. Maudire cette douleur qui s'est installée en ma vie. Pour ne pas sombrer je dois constamment la combattre, la maitriser, la respecter.
Ainsi je découvre la réalité de la gestion de douleur.
Et puis, aujourd'hui, de bon matin, je vais voir le neurologue. Ce médecin peu humain qui ne me plait guère. Celui qui ne trouve pas mon cas assez grave à son goût. C'est vrai, mon cas n'est pas fatal. J'ai la chance de ne pas avoir de tumeur ou de cancer. Mais j'ai la malchance d'avoir un nerf facial sérieusement endommagé qui me change la vie.
Aujourd'hui, j'ai donc eu la confirmation que les douleurs névralgiques post paralysie faciale sont là pour rester. C'est une pilule difficile à avaler. Pas mal plus difficile que celles que je devrai avaler dans les prochaines années.
Alors que je reprends le chemin de ma maison. Je vois si rouge que j'en ai la cervelle qui bouillonne de colère. Rebelle, je ne prends pas mes anti-douleurs et je sens monter cette douleur que je connais bien. Je me prends à rêver d'être transportée en une petite apocalypse zombie, juste pour le plaisir de faire de la bouillie de cervelle contaminée. Histoire de me défouler les émotions frustrées.
Comme j'en parle rarement, je sais que la plupart de mes connaissances n'ont aucune conscience de ce qui se trame en mes pensées. Ces pensées qui se conjuguent à la douleur chronique pour me ronger de l'intérieur. À petit feu. Et je me dis que le temps est venu d'évacuer. Qu'il est temps de me battre avec ce que j'ai de plus précieux: ma plume.
Ainsi commence ce blogue. Un blogue que j'ouvre non par envie mais pour ma survie mentale. Car l'écriture est thérapeutique. Et il temps que je l'ajoute à la boite à outils dont je me sers en cette gestion de douleur qui fait désormais partie de mon quotidien.
Je sais qu'il est temps que j'arrête d'entraver les mots qui me saignent les idées. Arrêter de cacher ce mal qui me nuit.
Je sais que je ne suis pas la seule à vivre de la douleur chronique.
D'ailleurs la semaine prochaine est la semaine québécoise de la douleur chronique. Alors qui sait, peut-être qu'au final, les mots que je déposerai ici pourront aussi aider d'autres personnes qui combattent la douleur chronique. Car même si les maux physiques sont différents, lorsqu'ils sont permanents, ils entrainent l'âme et le cœur en un même tourbillon....
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