mardi 5 mai 2015

Juste un handicap invisible, rien d'autre qu'une difficulté de vie ajoutée...

Chaque matin, pour survivre à ma face coupée en deux, je me réveille autour de 5:30am afin de commencer cette ronde de médicaments qui me permet de supporter du mieux possible la douleur tout au long de la journée.

Chaque matin, la même difficulté de vie ajoutée, sans répit. J'associe souvent la douleur chronique à l'hiver.

Quand on a commencé à m'expliquer que cette douleur était en train de devenir permanente. Ce fut comme un deuxième choc. Deux ans après celui de me réveiller avec une moitié de visage paralysé...

Et je crois que cela m'a fait le même effet que si on m'avait dit, tu vivras désormais le reste de ta vie entre -40 et -5. Plus jamais tu n'auras l'occasion de vivre une journée au dessus de zéro. Ça fait un p'tit choc sur le cerveau!

J'avoue que je ne supporte plus qu'on me dise des trucs du genre: "J'espère que tu auras moins de douleur bientôt!" De plus en plus, ce type de remarque me donne envie de hurler.

En fait à l'intérieur, je hurle: "Tout ça c'est du vent, j'aurais jamais moins mal et les docteurs affirment qu'elle partira pas juste parce-qu'on le souhaite! Fuck la pensée magique! Est-ce que si j'avais la jambe coupée, tu me dirais, j'espère qu'elle repoussera bientôt?" Évidement, je me tais car je n'ai aucune envie de me transformer en monstrueuse furie.

J'en calme en silence l'émotion fugace. Je réalise que la norme veut qu'une douleur soit passagère et non permanente. Que la notion de douleur physique permanente soit contre nature dans l'esprit collectif. Je réalise que c'est juste le reflet des incompréhensions de ce monde envers l'existence des douleurs physiques permanentes.

Le reflet des difficultés de ce monde à en comprendre la possibilité et à en imaginer la réalité. Je me rappelle être aussi passée par là. Par ces chemins de pensées qui ne comprennent pas la chronicité d'une douleur physique. Mais cela n'empêche pas la vague d'incompréhension de me submerger et au final, la remarque qui se voulait gentille et rassurante me fruste et m'angoisse.

Ainsi de fil en aiguille, je réalise a quel point il ne m'intéresse pas d'être plainte. Pas la peine de me plaindre, la douleur que je vis m'appartient. Je la gère. Très bien selon les experts. Ce qui ne l'empêche pas de me rendre la vie difficile. Mais ça c'est la vie. Personne n'a la vie complètement facile, ceux qui le font croire ne sont pas vrais.

Si tout le monde avait la vie facile, malgré les apparences qu'il en donne, il y aurait pas mal moins de gens qui montreraient le visage de leur dépression "classique" en cet autre groupe qui m'a inspiré celui-ci.

Contrairement à beaucoup de ceux que je croise en douleur chronique, ma pathologie, même si rare, est très bien comprise du corps médical. Ce n'est la faute de personne.

La meilleure représentation que l'on peut s'en faire est un zona sur le nerf facial. Ce qui a provoqué des dommages physiques au nerf et a provoqué une série de complications lorsque cela s'est conjugué à une vieille blessure à la moelle épinière. Du coup, je remarque encore plus le fossé entre l'extrême compréhension de la médecine et l'incompréhension chronique du grand public. Cela en devient flagrant.

Et comme je ne peux mentionner cette incompréhension sans regarder quelle part de responsabilité je possède là au milieu, j'en conçois mon devoir d'expliquer. Du mieux que je peux. Sauf que pour bien expliquer, je dois d'abord bien comprendre ce qui m'arrive.

Car avant de réaliser que j'avais un devoir d'expliquer pour maîtriser la furie en moi, j'ai dû beaucoup apprendre. Depuis deux ans, j'apprends afin de comprendre ce que je vis. Et plus je le comprends, plus me faire plaindre m'horripile.

Tout ça pour dire qu'il est inutile de me plaindre mais qu'essayer de me comprendre m'est sympathique. Ce cours de réflexions me fait réaliser d'ailleurs à quel point me plaindre ou me faire plaindre me frustre.

Nul besoin de me plaindre. Cela me fait plus de mal que de bien. Juste besoin de comprendre la difficulté ajoutée de la douleur chronique en ma vie tout comme on comprend la difficulté ajoutée de l'hiver en notre contrée polaire.

Je ne sais pas vous qui vivez en douleur chronique, mais en ce qui me concerne, la meilleure chose que l'on puisse m'offrir mentalement, c'est de s' engager sur la voie d'une réelle compréhension de la réalité qu'est celle de la douleur chronique...

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