samedi 2 mai 2015

Traverser un paroxysme...

Aujourd'hui il fait 21 degrés. Une magnifique journée. En ma gestion de douleur chronique, je sais éviter les paroxysmes. Sauf en cette semaine où s'emballent les hormones et je n'ai plus de contrôle sur la vague de douleur qui déferle.

J'en discute avec ma chiro en me faisant remettre la machoire en place, ce qui règle un aspect du problème mais n'enlève rien à sa source, elle me dit:

 - Avec les douleurs neuropathiques, viennent des vagues de douleur et tu n'as alors aucun contrôle sur la vague. C'est une question d'hormones et de bio-chimie hors de ton contrôle. Tu peux juste laisser passer la vague. Là t'es dans la vague.

Jeudi, j'ai médité 40 minutes en coin de lac, je voyais arriver la vague. Méditer ne lui a pas empêché de me déferler sur la face mais j'imagine que cela aide à nager.

Méditer en douleur est un exercice particulier. C'est un duel concret entre soi et la douleur.

Jeudi, j'avais le visage cimenté d'une douleur sourde et aveuglante. J'ai pu méditer sur son cas malgré tout. Apaiser le système nerveux surénervé par une alarme tonitruante. Assez pour être capable de me conduire, affaiblie, à la clinique pour me faire traiter.

Quand t'as pas le choix, tu fais avec pour faire au mieux. 

Vendredi, le paroxysme neuropathique déferle, j'essaie de méditer. Mais la vague est trop forte. Méditer se résume à affronter la vague. Elle me noie. La moitié du visage affecté se convulsionne comme un sauvage sous les courants fous des lésions neuropathiques en feu. Cela fourmille, cela brûle, cela éléctrifie, cela tiraille et découpe.

Méditer en un paroxysme de douleur faciale neuropathique c'est comme entrer en une chambre de torture. Et s'assoir sur la chaise qui trône en son centre...

Ce n'est pas le premier paroxysme et ce ne sera pas le dernier, alors que je culpabilise de savoir que la Miss accompagne cette réalité, je la vois être sage et compréhensive. Je me dis que c'est peut-être pas si grave. Elle n'en semble pas traumatisée. Cela la motive même à se décider de ranger la cuisine et vouloir faire le souper! Pour me soulager. Cette enfant m'hallucine sur une base régulière.

Samedi, j'ai dû augmenter ma morphine nocturne. C'est la première nuit entière que je dors depuis mercredi. Du coup je me lève avec l'idée de ne pas prendre de cortisone. En ai pris depuis mercredi et j'essaie de ne pas en prendre sur de trop longues périodes.

C'est la fin de semaine du spectacle de Gym de la Miss. Aujourd'hui c'est la générale et demain le grand jour. Je sais que je prendrai de la cortisone demain. Je décide de me contenter de mes doses d'opiacés aujourd'hui. Après tout, il faut beau, l'homme me conduit, je vais être capable de "tougher" la douleur. Je suis optimiste.

On accompagne la Miss à sa répétition de spectacle et l'on va ensuite pique-niquer au bord de la rivière. Je suis dans un piètre état mais je décide de vivre pareil. Je prends mon courage à deux mains et j'affronte ma réalité.

Au gymnase où répètent les enfants je rencontre la mère d'une amie qui constate que j'ai vraiment pas l'air bien. Si la douleur chronique est invisible, le paroxysme est facile à percevoir. Oui je sais, je fais peur. Elle me dit: "Mais pourquoi tu te reposes pas chez toi?"

Heu... prendre une respiration intérieure et expliquer que si je passe mon temps â me reposer parce-que je suis mal, je n'ai plus de vie vu que j'ai tout le temps mal.

Okay, là, j'ai particulièrement mal. Si mal que cela en devient palpable tout comme je capte son malaise de capter la douleur. il faut dire que celle-ci est violente. Je commence à regretter de ne pas avoir pris de cortisone ce matin.

La douleur aiguë suit le parcours de mon nerf facial comme une brûlure d'acide et irradie tous les sens de ce côté de visage atteint. Je suis en enfer de ce côté là. De l'autre, ma fois, ça va bien...

Sauf que je fais une gueule de cent pieds de long, j'ai des nausées et des bouffées de chaleur qui se succèdent à mesure que la douleur se manifeste en différentes section du visage. Parait que j'ai vraiment pas bonne mine.

La douleur d’œil n'est pas la même que celle d'oreille qui ne ressemble en rien à celle qui m'irradie les gencives ou à celle qui touche la mâchoire. Une différente douleur habite la joue. Une autre squatte la tempe. Toutes ces douleurs se mélangent ensemble pour me faire suer à grosses gouttes et tanguer l'estomac. Bref, je suis dans la vague du paroxysme de douleur neuropathique.

Je croise le regard d'une dame avec qui l'homme travaille sur le CA du club de Gym et je peux quasiment l'entendre se dire:

 - Ouais, elle a pas l'air commode sa femme!

Yep, i look like a bitch. J'ai pas de patience et je suis à deux doigts de défaillir. Alors j'ai l'air méchante et je fais peur.

Tous ces efforts et jugements à traverser pour finir main dans la main sur un sentier de forêt avec l'homme à essayer de profiter du beau temps. On médite dix minutes sur un banc. Je sens la douceur de ses sentiments adoucir la fureur de la douleur. Je commence à regretter amèrement de ne pas avoir pris de cortisone!

On retourne chercher la puce et on finit en bord de rivière rugissante, au soleil, à passer du temps de qualité en famille. Je prends plaisir à être avec eux. À pique-niquer au soleil. À prendre des photos ensoleillées. À profiter de l'air pur. Même si je suis à deux doigts de défaillir toutes les 10 minutes. La douleur tourne autour de 8/9. J'ai mal à en mourir mais je vis. Je suis là. 

Alors qu'homme et enfant retournent au Gymnase, je rentre chez nous. Prend une mini dose de cortisone et me repose. J'ai vécu le plus possible de ce que je pouvais vivre avec le degré de douleur du jour. Je suis quand même fière de l'effort effectué pour être vivante malgré le mal qui me ronge le visage.

Meilleure chance demain. Demain la vague de paroxysme devrait se calmer un peu. Je n'oublierai pas de prendre ma cortisone le matin et je serais là pour le spectacle de la puce. Aussi mal que cela sera. Je serai là pour elle, pour lui, pour nous...

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