mardi 14 avril 2015

Accepter de prendre son mal en main...


Lorsque j'avais le visage paralysé, je ne pouvais plus sourire, je faisais peur aux enfants et je me suis promis que si mon visage redevenait mobile, je sourirai, envers et contre tout, car sourire fait partie de qui je suis.

Comme à cette époque parisienne de ma vie, où le spleen ambiant commençait à tant m'affecter que j'ai décidé de sourire aux inconnus aux feux rouges. Leur réaction pouvait tellement m'amuser! Comment un sourire peut-il recevoir la même réaction effrayée qu'un geste de violence? Only in Paris!

À Montréal, chaque sourire que j'ai partagé à un feu rouge avec un inconnu m'a été rendu! Sourire fait partie de qui je suis.

Même si sourire me fait mal physiquement, je souris pareil. De toute façon pleurer est pire, alors autant sourire  Et puis je pars du principe que quitte à avoir mal autant avoir mal pour quelque chose de positif.

Il y a parfois de ces bonheurs si intenses qu'ils sont imperméables à la douleur. Elle ne peut entacher ces bonheurs là...

J'ai besoin de travailler sur cette voie professionnelle, que je trace depuis trop d'années, pour me sentir exister. Mais travailler veut dire me concentrer. Me concentrer accentue la douleur de fond. Je dois donc apprendre à vivre avec cette condition. C'est difficile à supporter mais je m'accroche à ces motivations intérieures qui me font avancer malgré tout.

Je sais que je ne peux plus travailler autant qu'avant. Je ne peux plus travailler comme avant. Je dois apprendre à travailler différemment. Mais je veux travailler encore assez pour me sentir exister. Écrire autour de la douleur me demande peu de concentration mais écrire mes articles professionnels est plus ardu.

Je n'ai pas parlé de la douleur durant deux ans et j'ai alors réalisé le gouffre entre ce que les gens voyaient de l'extérieur et ce que je vivais à l'intérieur. C'est aussi pour cela que j'ai commencé ce blogue. Par souci d'authenticité et de vérité. Je cache la souffrance pour arriver à fonctionner publiquement mais c'est un défi constant. Je la cache pour ne pas assombrir l'atmosphère mais je ne la fuis pas.

Je ne crois pas au comportement maladif, je refuse de me lamenter sur mon sort. Je ne pleure que devant mon mari. Ou lorsque la douleur devient si insoutenable que c'est plus fort que moi. Je refuse de donner de la force à la douleur en la laissant prendre possession de mon âme. Elle a ma chair mais elle n'aura pas mon âme.

Chaque jour je travaille à accepter la douleur constante et j'avance... malgré les malaises, les angoisses, les frustrations, les incertitudes et les peurs. J'existe par-ci par-là. Et chaque fois que je me sens exister pleinement avec la douleur, je sais que je gagne une bataille en cette guerre déclarée par mon nerf facial.

Je suis fière d'avoir assez travaillé sur moi-même ces derniers mois pour reprendre peu à peu ce travail qui me passionne malgré la douleur. J'espère pouvoir continuer en cette lancée. Ne dit-on pas: "Aide toi et le ciel t'aidera."?

Cette invitation à voyager professionnellement aux Caraïbes, était pour moi un signe de continuer à m'aider, comme je le fais depuis que j'ai consciemment décidé de cheminer avec la douleur.

Rien n'est jamais acquis ou gagné mais tant qu'on avance il y a de l'espoir...

Certains jours, je peux souffrir tant que désirer mourir devient normal. C'est pas moi qui le dis, c'est le psy! Ceci dit, je suis persuadée que plus on se concentre sur la douleur et pire c'est. Même lorsque la douleur obnubile l'esprit, il faut se forcer à se rappeler les choses qui nous font du bien au moral.

Mon super psy, spécialisé en douleur chronique, m'a savamment expliqué que lorsque la douleur prend toute la place, il est important d'apprendre à la mettre de côté... tout en lui faisant une place. C'est extrêmement difficile et complexe, il m'a aussi expliqué combien c'est un processus qui prend du temps.

Certains jours, cela semble impossible, mais c'est nécessaire de toujours essayer pour avancer. Car dans la douleur chronique, si on avance pas, on recule.

Et parfois il faut même accepter d'accentuer la douleur pour le bénéfice de faire des choses positives qui aideront le moral à lui survivre. C'est contre-nature pour toute personne sans douleur mais cela devient normal quand on apprend à vivre avec la douleur.

En ces temps là, il faut prendre avec philosophie cette accentuation de douleur passagère, se dire que cela fait partie de la vie, comme le soleil et la mer. C'est juste la nature qui s'affirme.

Si on ne possède pas le contrôle de la douleur physique, on peut toujours choisir de prendre le contrôle de nos pensées et de nos émotions pour ne pas se noyer dans l'abysse psychologique de la douleur constante. Mes douleurs faciales sont infernales, puissantes et intenses mais il me faut trouver en moi le courage de lutter psychologiquement...

Si je me concentre sur la douleur constante, je reste figée en mon malheur mais si j'accepte qu'elle fait partie de ma vie, petit à petit, j'avance. Il y a une chose dont je suis persuadée c'est que plus on se répète combien cela fait mal, plus on sombre...

C'est un lent processus qui n'a rien de miraculeux. Je crois aujourd'hui qu'il existe en chaque épreuve une force intérieure pour la traverser. Cette force ne se trouve pas à l'extérieur. Elle réside à l'intérieur de nous.

Il est important d'accéder à ses ressources intérieures pour mieux lutter. La méditation a sauvé mon âme de la douleur. Quand j'arrête de méditer, les pensées suicidaires se faufilent en quelques jours. Et quand je médite avec discipline, je me rappelle qui je suis, sous la douleur constante.

Cultiver l'espoir en appréciant les petits plaisirs de la vie même si ça fait atrocement mal est un défi quotidien. Une obligation pour y survivre. Apprendre à apprécier le bonheur tout en ayant mal peut être aussi simple qu'apprécier le chant des oiseaux, un ciel bleu, le sourire d'un enfant.

Il devient vital de s'entourer de personnes aimantes et compréhensives, ma fille de 9 ans me donne souvent la volonté de lutter car je refuse de l'abandonner. Mon mari chemine avec moi et cela me donne de la force.

Dans la douleur chronique, compter sur une baguette magique ou un guru tombé du ciel, qui nous fera redevenir comme avant, c'est cultiver une chimère, une illusion. C'est nourrir les monstres de déception et dépression.

Dit-on jamais à une personne amputée que son membre repoussera?

En ce qui me concerne le virus qui a grignoté mon nerf facial, il a amputé celui-ci de façon à sérieusement l'endommager. Mais j'ai la chance de pouvoir de nouveau sourire...

Et j'ai la responsabilité de la gestion de ces douleurs engendrées par ce nerf facial déboussolé. Je dois devenir l'expert de mon mal. Être en charge de sa gestion. J'en ai la responsabilité. Personne n'aura mal à ma place et personne ne devra supporter ce mal à ma place. Tout comme personne ne construit ma vie à ma place.

Le seul moyen de survivre à la douleur chronique, c'est d'apprendre à vivre avec. En ce qui me concerne, cela implique une multi - thérapie qui consiste en un traitement médicamenteux de fond, des traitements de physio et ostéo, un apprentissage de la conscience de la douleur, de la méditation, de l'éléctrostimulation (Tens), de psycho-éducation, un zeste de psychothérapie et laisser couler l'écriture...

Je commence à réellement croire qu'il est possible d'apprendre à vivre avec la douleur constante. S'il n'y a pas d'autre solution, est-ce vraiment un choix?

La médication gère la douleur physique et la méditation gère les effets psychologiques de la douleur physique. Je veux croire qu'il est possible de cultiver le meilleur de soi même en douleur constante.

Si je laisse la douleur me transformer à sa guise, elle me transforme au pire mais si je choisis de prendre le contrôle de cette transformation, je veux croire que tout redevient possible. C'est une lutte permanente. Mais il y a une guerrière en moi, une guerrière qui refuse d'arrêter de sourire!

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