mardi 20 janvier 2015

Semaine après semaine...


15 janvier 2015

La douleur de fond qui me coupe le visage en deux est une chose, les manifestations de douleur générées par ce nerf facial endommagé en sont une autre. Ce sont elles qui me traumatisent la cervelle.

Hier, en ramenant la puce à l'école sur l'heure du midi, je sens pointer l'une de ces manifestions honnies. Le temps d'arriver chez moi, d'avaler ma dose de morphine et c'est parti.

Toutes les 4 heures avale ta pilule la mère! Je sais que c'est trop tard. La dose de morphine habituelle n'y fera rien. Serait-ce autrement si j'avais devancé la marée haute de douleur d'une heure en avalant la pilule plus tôt? Peut-être ben que oui, peut-être ben que non...

Un fil invisible a eu la méchante idée de s'enrouler autour de mon globe oculaire et une main invisible, cruelle salope, s'amuse à le tirer avec l'idée déterminée de l'arracher.

La douleur engendrée par cette sensation se réverbère jusqu'au fin fond du cerveau. Shit! Je ferai pas ce que je voulais faire aujourd'hui. Shit! Impossible de se concentrer avec un œil qui se fait arracher par une main invisible. Fuck!

Rien n'y fera que d'endurer. Au bout de 4 ans je suis rodée. Si la douleur est incontrôlable il ne reste plus qu'à contrôler humeur et pensées.

"Prendre ça cool". Ne pas frustrer. Se reposer. Ramasser ses miettes de force pour faire bonne figure lorsque la puce rentrera de l'école. Prendre ça cool pour ne pas empirer son cas. Mère en mode contrôle intensif.

Objectif : Être capable de sourire et d'écouter la Miss à son retour de l'école. Trouver la force de faire les devoirs. Ne pas flancher. Se surpasser. C'est la soirée hebdomadaire de volley de l'homme. Il ne rentrera qu'après le coucher de l'enfant.

Se raccrocher au fait qu'on ira souper chez une amie et que je n'aurais pas à me soucier de la bouffe du soir. Deux heures à "prendre ça cool" pour pas y perdre la tête, avec un globe oculaire qui essaie de sortir de son orbite!

Maudites hormones mensuelles qui font le party avec la douleur neuropathique. Pas facile de méditer sur cette manifestation-ci. Se concentrer ou essayer de courir avec une jambe dans le plâtre? Même combat!

Contrôler chaque pensée pour maîtriser l'humeur prête à dérailler. Fuck la marde! Combattre. Sourire au retour de l'enfant. Lui expliquer que la douleur est forte. Réussir à faire les devoirs sans anicroche. Endurer endurcit. Savoir que la kiné aidera à la cause le lendemain. Passer au travers pour la énième fois.

Le lendemain...

Après morphine et sommeil, l’œil se réveille un peu moins tiraillé. Même si c'est pas gagné, c'est un peu comme retrouver un - 12 après un -40, la douleur en parait presque douce...

Après un traitement de kiné, la manifestation du jour se déroule autour de l'oreille. Sortir de là avec une subtile nausée. Un p'tit clou dans la joue. Un fond de rage de dents. Un zeste de migraine. Un œil qui tire encore mais moins. Un cou pas content. Une p'tite otite avec ça?

Enfin, il est pas mal plus facile de se concentrer en se faisant arracher une oreille plutôt qu'un œil! Avec une face continuellement coupée en deux, on trouve son bonheur là où on peut...

Ceci dit, si à cet instant précis, je rencontre l'inconnu de service au coin de la rue. Je lui sourirai tout en essayant de passer subtilement mon chemin. Mais s'il me dit:

- Hé salut, comment ça va? 

Une voix intérieure emplie de colère aura envie de lui arracher la tête. Calme toi la mère. Oublie à quel point cette question t'énerve. Formule de politesse conne et absurde que parfois tu oses toi-même lancer. Il n'est pour rien dans ta misère du jour.

Avale tes émotions, contrôle ton humeur. Marmonne un "ça va" et change le plus rapidement possible de sujet.

Histoire de ne pas te transformer en furie démente...



20 janvier 2015

Revenir de la semaine dernière avec cette sensation de revenir du front. En pleine bataille. En guerre invisible.

Le combo "grand frette et hormones mensuelles" ont mis la moitié de mon visage blessé à feu et à sang. 3 jours sur 7 à grimper à 9 sur 10 sur l'échelle des douleurs. De quoi se tirer une balle si l'enfance innocente n'était pas là pour rappeler à la vie. L'amour de l'homme pour donner la force de lutter.

Augmenter les doses de morphine pour survivre à la violence de la douleur en pleine action. S'appuyer sur la cortisone comme si c'était une béquille qui permet de ne pas tomber.

Entre un œil arraché, un quart de cerveau nécrosé et une myriade de symptômes tous aussi intenses les uns que les autres, le mental traumatise dans l'invisible de ses maux...

De quoi dépiter la physio qui désengorge l'œil enflé, étire les tissus enflammés, oxygène la chair meurtrie et fait de son mieux pour réparer les dégâts de cette semaine destructrice.

Elle espère que la prochaine résonance magnétique révélera que la séquelle de la séquelle de la séquelle génère une dégénérescence osseuse de la mâchoire. Ce qui permettrait de mettre en place une opération spécifique pour aider la mâchoire à rester en place. Que du fun en perspective!

Et d'ici là, ne pas lâcher, contrôler ce flux d'émotions traumatisées par quatre années de douleurs faciales en tout genre, sans répit. Méditer quotidiennement. S'électrostimuler souvent. S'opioïder en traitement de fond. Se cortisoner au besoin. Trouver la force de sourire. Avancer pour ne pas reculer.

Qu'on ne me parle pas de courage, je n'en manque pas. Qu'on me parle d'espoir, denrée plus rare après une telle semaine...


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